Gossip, harcèlement, éducation aux médias numériques… et si on en parlait ?

Alors que buzzait sur les réseaux et les médias l’affaire Gossip, nous nous sommes demandés quelle réaction cela appelait de la part des éducateurs et aussi quelles failles de notre système cela révélait.

Rappel des faits : début juin c’est l’émoi avec l’apparition d’une nouvelle application, Gossip qui permet de diffuser anonymement des “potins”… évidemment, malgré les dénégations de sa créatrice qui y verrait seulement un moyen de s’amuser entre amis dans une ambiance “bon enfant” (sic, on y croit !), Gossip a immédiatement été un outil idéal de harcèlement entre jeunes ! Du moins c’est ce qu’on nous a dit, mais de fait, on trouve peu de témoignages concrets sur ce sujet… on nous parle volontiers de “ses ravages dans les établissements scolaires” mais les médias se sont plutôt concentrés sur les réactions outrées des politiques, la demande d’interdiction de l’application faite par plusieurs syndicats lycéens et les explications faussement naïves de la créatrice, qui pointe quand même au passage, l’explosion des téléchargements depuis le début de la polémique ! La ministre de l’éducation nationale a réagit en rappelant que l’on ne peut légalement interdire l’application et en appelant à la vigilance les recteurs d’académie, avec l’aide des chefs d’établissement des lycées et collèges, afin de signaler aux procureurs de la République «tous propos injurieux ou diffamatoires proférés à l’encontre d’élèves ou de personnels». Selon elle, «la réouverture de cette application (qui avait été suspendue quelques jours) pourrait venir affecter un climat serein au sein des établissements».

Nous avons ces derniers jours tenté en vain de recueillir des témoignages ou des réactions face à ce phénomène préoccupant et… rien, aucun retour, aucune réaction, pas même négative, rien !

 

Cet état de fait pose de façon cruciale plusieurs questions auxquelles nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses, mais qu’il nous semble urgent d’explorer.

 

Pourquoi focaliser sur l’application, qu’il faudrait censurer, à la demande même des lycéens, là où à l’évidence il faudrait s’interroger sur les mécanismes du harcèlement ?

Si l’appli en elle-même ouvre des possibilités de harcèlement “en tout anonymat” et que cela interroge ; le fond du problème n’est pas l’outil mais ce que l’on en fait ! Demander l’interdiction de Gossip c’est régler le souci à “bon compte” sans se sentir obligé d’aborder avec les jeunes qui nous sont confiés le respect d’autrui et nos obligations légales et éthiques. Nous sommes comme Michel Guillou dans ce billet attristé qu’on en soit arrivé à envisager la censure comme étant une réponse !

Pourquoi ne pas avoir abordé massivement dans les établissements scolaires et ailleurs cette question ?

Par indifférence ou méconnaissance ?
Peut-être que nous, adultes éducateurs n’avons rien vu, rien entendu à ce sujet, donc pas jugé utile de nous pencher sur la question. Peut-être parce que ce type de dérive ne s’est pas produite dans notre entourage (c’est tout à fait possible), peut-être aussi parce que nous n’en avons pas perçu les signes, parce que les jeunes concernés n’ont même pas envisagé qu’ils pourraient nous en parler. Accessoirement, nous aurions quand même pu être à l’origine de la discussion sur le sujet, non ? Ne serait-ce que pour vérifier avec eux que tout allait bien…

Par manque d’espace et de temps ?
Quand, où et qui peut aborder ce genre de problématique avec les jeunes ? Nos établissements manquent de lieux et de temps pour se poser, se parler entre adultes et jeunes de façon informelle, et encore plus de moments dédiés pour parler de ce qui peut les préoccuper. Ne parlons pas de l’éducation aux médias et à l’information, incluant le numérique et les réseaux sociaux, qui sont très loin d’être un sujet couramment abordé de façon réflexive en milieu scolaire et péri-scolaire ! Rajoutons à cela les programmes à boucler, les conseils de classes à assurer, les examens de fin d’année à préparer… assurément ce n’est pas la bonne période…

Par peur de ne pas savoir faire ?
Il n’est pas évident si on a trouvé l’espace où le faire, d’oser se lancer dans un débat sur le sujet. Cela peut-être douloureux pour certains jeunes, tourné en dérision par d’autres ; mener la discussion n’est assurément pas aisé et peu d’entre nous sont formés à mener des débats avec les élèves.

Pour parler de quoi concrètement ?

  • mettre à plat le fonctionnement de cette appli, son pitch, son modèle économique
  • discuter de ce qui nous met mal à l’aise sur les réseaux sociaux et comment réagir, s’en protéger quand cela nous arrive
  • chercher les lois qui correspondent à ces dérives
  • mettre sur pied une campagne d’information, ou de boycott de l’appli, en direction d’autres jeunes

Il nous semble plus que temps de s’emparer de ces questions à fort enjeu citoyen de manière sérieuse et volontariste par :

  • de vrais espaces de vie dans les établissements
  • des temps dédiés à l’éducation aux médias et à l’information, incluant le numérique, où ces problématiques pourront être travaillées en amont et où l’on pourra facilement s’emparer d’une question qui surgit dans l’actualité ou dans la vie de l’établissement
  • une formation des adultes (et des jeunes) au débat
  • une sensibilisation de tous à la question du harcèlement et aux moyens de le prévenir
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Alors que buzzait sur les réseaux et les médias l’affaire Gossip, nous nous sommes demandés quelle réaction cela appelait de la part des éducateurs et aussi quelles failles de notre système cela révélait.

Rappel des faits : début juin c’est l’émoi avec l’apparition d’une nouvelle application, Gossip qui permet de diffuser anonymement des “potins”… évidemment, malgré les dénégations de sa créatrice qui y verrait seulement un moyen de s’amuser entre amis dans une ambiance “bon enfant” (sic, on y croit !), Gossip a immédiatement été un outil idéal de harcèlement entre jeunes ! Du moins c’est ce qu’on nous a dit, mais de fait, on trouve peu de témoignages concrets sur ce sujet… on nous parle volontiers de “ses ravages dans les établissements scolaires” mais les médias se sont plutôt concentrés sur les réactions outrées des politiques, la demande d’interdiction de l’application faite par plusieurs syndicats lycéens et les explications faussement naïves de la créatrice, qui pointe quand même au passage, l’explosion des téléchargements depuis le début de la polémique ! La ministre de l’éducation nationale a réagit en rappelant que l’on ne peut légalement interdire l’application et en appelant à la vigilance les recteurs d’académie, avec l’aide des chefs d’établissement des lycées et collèges, afin de signaler aux procureurs de la République «tous propos injurieux ou diffamatoires proférés à l’encontre d’élèves ou de personnels». Selon elle, «la réouverture de cette application (qui avait été suspendue quelques jours) pourrait venir affecter un climat serein au sein des établissements».

Nous avons ces derniers jours tenté en vain de recueillir des témoignages ou des réactions face à ce phénomène préoccupant et… rien, aucun retour, aucune réaction, pas même négative, rien !

 

Cet état de fait pose de façon cruciale plusieurs questions auxquelles nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses, mais qu’il nous semble urgent d’explorer.

 

Pourquoi focaliser sur l’application, qu’il faudrait censurer, à la demande même des lycéens, là où à l’évidence il faudrait s’interroger sur les mécanismes du harcèlement ?

Si l’appli en elle-même ouvre des possibilités de harcèlement “en tout anonymat” et que cela interroge ; le fond du problème n’est pas l’outil mais ce que l’on en fait ! Demander l’interdiction de Gossip c’est régler le souci à “bon compte” sans se sentir obligé d’aborder avec les jeunes qui nous sont confiés le respect d’autrui et nos obligations légales et éthiques. Nous sommes comme Michel Guillou dans ce billet attristé qu’on en soit arrivé à envisager la censure comme étant une réponse !

Pourquoi ne pas avoir abordé massivement dans les établissements scolaires et ailleurs cette question ?

Par indifférence ou méconnaissance ?
Peut-être que nous, adultes éducateurs n’avons rien vu, rien entendu à ce sujet, donc pas jugé utile de nous pencher sur la question. Peut-être parce que ce type de dérive ne s’est pas produite dans notre entourage (c’est tout à fait possible), peut-être aussi parce que nous n’en avons pas perçu les signes, parce que les jeunes concernés n’ont même pas envisagé qu’ils pourraient nous en parler. Accessoirement, nous aurions quand même pu être à l’origine de la discussion sur le sujet, non ? Ne serait-ce que pour vérifier avec eux que tout allait bien…

Par manque d’espace et de temps ?
Quand, où et qui peut aborder ce genre de problématique avec les jeunes ? Nos établissements manquent de lieux et de temps pour se poser, se parler entre adultes et jeunes de façon informelle, et encore plus de moments dédiés pour parler de ce qui peut les préoccuper. Ne parlons pas de l’éducation aux médias et à l’information, incluant le numérique et les réseaux sociaux, qui sont très loin d’être un sujet couramment abordé de façon réflexive en milieu scolaire et péri-scolaire ! Rajoutons à cela les programmes à boucler, les conseils de classes à assurer, les examens de fin d’année à préparer… assurément ce n’est pas la bonne période…

Par peur de ne pas savoir faire ?
Il n’est pas évident si on a trouvé l’espace où le faire, d’oser se lancer dans un débat sur le sujet. Cela peut-être douloureux pour certains jeunes, tourné en dérision par d’autres ; mener la discussion n’est assurément pas aisé et peu d’entre nous sont formés à mener des débats avec les élèves.

Pour parler de quoi concrètement ?

Il nous semble plus que temps de s’emparer de ces questions à fort enjeu citoyen de manière sérieuse et volontariste par :