Frédéric Jésu, auteur de « Agir pour la réussite de tous les enfants »
Frédéric Jésu est médecin, pédopsychiatre de service public, militant pour la défense des droits de l’enfant (ONG, DEI France), responsable associatif d’un centre social de quartier à Paris (19ème). Au cours de sa carrière professionnelle, il s’est intéressé aux questions éducatives car elles s’intègrent à sa spécialité, la psychiatrie infantile. Pour comprendre les troubles dont souffre un enfant, il faut prendre en compte son environnement familial, scolaire, ses temps de loisirs. C’est ainsi qu’il a mis en place une approche fédératrice en éthique partagée pour réunir professionnels, partenaires éducatifs, et familles autour des progrès d’un enfant. La notion d’équipe éducative émerge ainsi dans les années 1980, attachée à celle d’éducation globale.
Aujourd’hui, la question de la réussite de tous les enfants, interpelle les adultes réunis autour de l’enfant, du jeune. Comment les parents, enseignants, animateurs et autres éducateurs, élus locaux, s’y prennent-ils pour coopérer et faire en sorte que tous les enfants d’un territoire donné soient en mesure de réussir ? Réussir en pratique « à apprendre à l’école et en dehors, à progresser, à échanger, à chercher et trouver, à faire des choix individuels, et collectifs éclairés, à s’émanciper en toute sécurité. » Ce livre déconstruit des préjugés et idées reçues en s’appuyant sur une enquête de terrain, onze sites visités choisis pour leur diversité tant géographique que sociale. Il est résolument positif et met en valeur les conditions à réunir pour exercer un pouvoir d’agir (empowerment). L’Unsa Education a rencontré son auteur car la coéducation est au cœur de notre projet pour une société éducative.
Unsa Education : Dans le contexte politique actuel, quel devrait être selon vous la question éducative au cœur des débats ?
Frédéric Jésu : L’éducation globale d’un enfant doit être au centre des préoccupations des politiques. Aujourd’hui, un enfant de 3 à 12 ans scolarisé ne passe que 864 heures par an en classe, réparties sur 180 jours et 36 semaines, soit 10% de son temps annuel global. Autrement dit un enfant n’est un élève que pendant 10% de l’année. Il est donc nécessaire de se poser la question des temps libres de l’enfant et surtout des inégalités existantes face à ces temps libres. Il faut revaloriser l’importance éducative du temps libre, qui peut nourrir la créativité, apprendre à vivre ensemble, contribuer à la santé et au bien-être par la pratique sportive. Cela passe par une revalorisation des métiers de l’animation sportive et culturelle.
La réforme des rythmes scolaires et éducatifs a été un premier pas en ce sens, cependant, les PEDT (Projets Educatifs de Territoire) sont encore trop centrés sur l’école. Les PEDT seconde génération arrivent, ils devraient renforcer la présence des familles par leur consultation et donner également la parole aux enfants, aux jeunes. Et surtout, pour lutter contre les inégalités sociales, économiques, géographiques, et de genre, il s’agit de garantir la qualité de l’offre éducative en même temps que sa gratuité en dehors du temps scolaire. L’Etat ne doit pas céder aux volontés municipales de désinvestissement éducatif, il doit aider, conforter la prise en compte de l’éducation globale sur tous les temps de l’enfant.
Agir pour la réussite de tous les enfants, Frédéric Jésu, les éditions de l’atelier, novembre 2016, 10 euros.