Faut-il décoloniser les arts ?

Concept qui a accompagné les luttes pour l’indépendance, la décolonisation s’invite à nouveau dans les mondes culturels de la pensée et des arts, dans l’aire francophone ces derniers temps. Des approches critiques se font entendre  dans les travaux d’historiens, de philosophes, d’économistes, d’anthropologues, de critiques littéraires. Et pourtant un mythe persiste : le racisme n’existerait pas dans le milieu artistique. 

Des artistes issus de disciplines diverses, du théâtre à la danse en passant par les arts plastiques ou la dramaturgie, se sont réunis en association : Décolonisons Les Arts (DLA). Leur but est de partager leurs réflexions et de mettre au débat public les phénomènes de racisme ordinaire dans le monde culturel et artistique. Ils ont publié en septembre un ouvrage éponyme constitué de témoignages de metteurs en scènes, écrivain.e.s, comédien.nes, danseuses et danseurs, peintres, plasticien.nes, ….
Ils portent à notre réflexion « les causes des absences, dénis, oublis et points aveugles de la représentation des racisé.es, et dans les formes de narration, de formation dans les institutions artistiques et culturelles, au cinéma, au théâtre, dans la musique, les musées, les théâtres, les arts vivants, …Nous avions remarqué comme tant d’autres que l’on trouvait plus souvent les racisé.e.s dans les rôles de vigile ou femme de ménage que dans les postes de direction, les grands rôles, les réalisations ou les programmations. »

Qu’entend-on par « racisé.e » ? Si la race n’existe pas, des groupes humains font l’objet d’une « racisation », c’est-à-dire d’une construction sociale apparentée à une définition historique de « race ». « Les processus de racisation sont les différents dispositifs – juridiques, culturels, sociaux, politiques – par lesquels des personnes et des groupes acquièrent des qualités (les Blancs) ou des stigmas (les “autres”). »
Françoise Vergès, réunionnaise, titulaire de la chaire Global Souths, (MSH, Paris) et co-auteure du livre en question s’exprimait ainsi dans une interview au Monde : « Il est vrai qu’en France la culture a été un lieu de contestation et d’ouverture. Mais le monde culturel a construit son propre récit en oubliant sa complicité avec la misogynie, le racisme et le sexisme. Persiste cette fiction très occidentale de l’artiste comme génie, à part de la société, sage, dans une France dont le peuple porterait en soi, par nature, la liberté et l’égalité. Ce mythe vivace fait comme si des siècles d’esclavage et de colonisation n’avaient pas contaminé l’ensemble de la société française. »


Décolonisons les arts !, sous la direction de Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès, L’Arche, août 2018, 144 pages, 15 €.
 

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Des artistes issus de disciplines diverses, du théâtre à la danse en passant par les arts plastiques ou la dramaturgie, se sont réunis en association : Décolonisons Les Arts (DLA). Leur but est de partager leurs réflexions et de mettre au débat public les phénomènes de racisme ordinaire dans le monde culturel et artistique. Ils ont publié en septembre un ouvrage éponyme constitué de témoignages de metteurs en scènes, écrivain.e.s, comédien.nes, danseuses et danseurs, peintres, plasticien.nes, ….
Ils portent à notre réflexion « les causes des absences, dénis, oublis et points aveugles de la représentation des racisé.es, et dans les formes de narration, de formation dans les institutions artistiques et culturelles, au cinéma, au théâtre, dans la musique, les musées, les théâtres, les arts vivants, …Nous avions remarqué comme tant d’autres que l’on trouvait plus souvent les racisé.e.s dans les rôles de vigile ou femme de ménage que dans les postes de direction, les grands rôles, les réalisations ou les programmations. »

Qu’entend-on par « racisé.e » ? Si la race n’existe pas, des groupes humains font l’objet d’une « racisation », c’est-à-dire d’une construction sociale apparentée à une définition historique de « race ». « Les processus de racisation sont les différents dispositifs – juridiques, culturels, sociaux, politiques – par lesquels des personnes et des groupes acquièrent des qualités (les Blancs) ou des stigmas (les “autres”). »
Françoise Vergès, réunionnaise, titulaire de la chaire Global Souths, (MSH, Paris) et co-auteure du livre en question s’exprimait ainsi dans une interview au Monde : « Il est vrai qu’en France la culture a été un lieu de contestation et d’ouverture. Mais le monde culturel a construit son propre récit en oubliant sa complicité avec la misogynie, le racisme et le sexisme. Persiste cette fiction très occidentale de l’artiste comme génie, à part de la société, sage, dans une France dont le peuple porterait en soi, par nature, la liberté et l’égalité. Ce mythe vivace fait comme si des siècles d’esclavage et de colonisation n’avaient pas contaminé l’ensemble de la société française. »


Décolonisons les arts !, sous la direction de Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès, L’Arche, août 2018, 144 pages, 15 €.