Évolutions de l’État territorial : l’exigence UNSA du dialogue social

Le Bureau national de l'UNSA Fonction publique, qui s'est réuni le 9 avril 2015, a clairement dénoncé l'absence de dialogue social qui préside à une réorganisation des administrations territoriales de l'État, dans le contexte de la «loi NOtRe» et des fusions de régions. Les rectorats ne sont pas aujourd'hui «hors champ» pour ces évolutions.

Le Bureau national de l’UNSA Fonction publique, qui s’est réuni le 9 avril 2015, a clairement dénoncé l’absence de dialogue social qui préside à une réorganisation des administrations territoriales de l’État, dans le contexte de la «loi NOtRe» (nouvelle organisation territoriale de la République) et des fusions de régions.

Plusieurs dispositifs se télescopent, se complètent et s’entrechoquent, surtout pour les personnels de la Fonction publique de l’État. Modernisation de l’administration publique (MAP), continuité des baisses d’effectifs dans les ministères non préservés (comme l’Éducation nationale), conséquences de la fusion des régions, réflexions au plus haut niveau sur le «management de proximité»: c’est un puissant mouvement de plaques tectoniques qui risque de bouleverser considérablement la configuration des administrations de l’État dans les territoires. Avec un oubli majeur que dénonce l’UNSA: l’absence de dialogue social à côté des réflexions que mènent les responsables gouvernementaux et administratifs dans un cadre interministériel (voir par exemple cet article du site UNSA Fonction publique sur la loi NOtRe).

C’est d’autant plus vrai que l’on voit certains textes soumis à concertation publiés dans un délai très rapide, voire très avancés dans la procédure (arbitrage interministériel rendu, transmission déjà faite au Conseil d’État…). Dans le cadre des discussions Parcours professionnels, Carrières, Rémunérations, le volet «ressources humaines» a été l’occasion, pour le ministère de la Fonction publique, d’évoquer à plusieurs reprises le renforcement du rôles des managers de proximité.

La question n’est pas nouvelle. Elle était déjà abordée dans les vœux présentés aux agents de la Fonction publique par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, le 23 janvier 2014:

«Enfin, un service public fort, c’est un service public qui rapproche les décisions et les territoires, là où les Français vivent et travaillent.

Cela suppose d’abord de réaliser un véritable saut qualitatif en matière de déconcentration. Des avancées importantes ont déjà été réalisées en la matière. Mais il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin et de replacer les acteurs de proximité et les chefs de services déconcentrés au cœur du fonctionnement de l’Etat.

Il faut redonner des marges d’action aux agents sur le terrain. Et cela implique que les administrations centrales se recentrent davantage sur leur rôle de pilotage et d’accompagnement.»

Mais dans quel cadre, précisément. Car il n’est pas ici question, à l’évidence, du «N+1» ou du «N+2» (échelons hiérarchiques immédiats). Avec la Réate (réforme de l’administration territoriale de l’État) on a vu naître des directions départementales interministérielles (dans notre champ de responsabilité, pour le secteur Jeunesse et Sports), voire des regroupements de directions régionales comme les DRJSCS (directions régionales de la Jeunesse et des Sports et de la Cohésion sociale). Non sans dommages, à la fois en termes d’exercice des mission de service public et de souffrance au travail des personnels.

En tout état de cause, on va vers des changements impactant également la «gestion des ressources humaines» dont on ne connaît ni l’ampleur ni la portée. S’il appartient aux pouvoirs constitués, Législateur compris, de redessiner ou modifier une carte administrative de la France (qui a d’ailleurs sensiblement évolué depuis 1789 et la création des départements), encore faut-il que le dialogue social l’accompagne plutôt qu’il n’en soit qu’une déclinaison a posteriori, voire la cinquième roue… du char de l’État.

La France à 13 régions métropolitaines
et ses conséquences

On voit aujourd’hui qu’une nouvelle évolution va intervenir avec la France à 13 régions métropolitaines qui n’auront qu’un préfet de région et, hors ses services propres (ceux du ministère de l’Intérieur), qu’une direction régionale (DR) par ministère. Dans des régions fusionnées (pensons à Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes, à Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées ou encre à Alsace–Champagne-Ardenne–Lorraine), on imagine pas que l’organisation fonctionnelle se borne à des fusions-absorptions de DR sans réflexion sur l’articulation avec les structures départementales (qui reste un échelon de l’État, sans doute renforcé du coup) ou les territoires qui s’organisent autour des métropoles régionales actuelles. On voit d’ailleurs, dans un domaine comme la Culture (avec ses DRAC) à quel point le problème est complexe.

Mais il y aura nécessairement des changements, parfois des bouleversements pour les agents. Sauf que pour l’instant, la réflexion — si elle avance — avance sans que les personnels en sachent grand chose. Avec à la clé toujours le même scénario: au moment où les arbitrages entre les différents acteurs institutionnels seront réglés, les choses seraient tellement ficelées que les marges du dialogue social s’avèreraient des plus limitées.

Guy Barbier (UNSA FP)L’UNSA Fonction publique, pour sa part, suit avec la plus grande attention l’ensemble de ces différents dispositifs, qu’ils soient votés ou en gestation. Elle a d’ailleurs été la seule organisation, par la voix de son secrétaire général Guy Barbier, à avoir déjà publiquement mis en évidences les contradictions orthogonales entre les différentes discussions:

  • négociations Fonction publiques où sont évoquées des «lignes directrices de gestion» par les seuls ministères (la main sur les principes de gestion des personnels étant le maintien de la main sur ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques ministérielles);
  • discussions liées à la réorganisation de l’Administration publique dans les territoires;
  • conséquences, sur l’organisation de «l’État territorial», des fusions de régions en Métropole.

C’est pourquoi l’UNSA continue à intervenir de façon insistance sur cette question. (Sur la dégradation du dialogue social dans la Fonction publique de l’État, voir cet autre article, avec notamment l’intervention de Guy Barbier, secrétaire général de l’UNSA Fonction publique.)

Quid du MENESR ?

Quid du MENESR ? Autrement dit : quels impacts pour le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche?

Côté Éducation nationale, l’hypothèse qui semble prévaloir (mais les arbitrages se rendront in fine à Matignon) ne remet pas en cause l’existence de plusieurs rectorats dans les régions fusionnées. On sait cependant que dans la Normandie fusionnée, l’hypothèse est de regrouper les deux rectorats existants (Caen, Rouen) en un seul, avec les cinq départements. Mais rien n’exclut que, dans d’autres cas, la carte des rectorats — qui resteraient les échelons déconcentrés de référence pour la GRH (y compris les enseignants des collèges et lycées) — restera inchangée partout. Cette situation n’est pas la seule : pour des raisons de praticité de gestion, elle a été évoquée également pour les agences régionales de santé (ARS) qui pilotent notamment les établissements hospitaliers.

Dans les rectorats coexistants des nouvelles régions, l’un des ces recteurs sera nécessairement chef de file (hiérarchiquement? comme primus inter pares — premier entre les égaux?) et pourrait concentrer la fonction de chancelier des universités (donc de représentant direct des ministres auprès de celles-ci) face à la région… puisqu’il y aura en effet une seule carte régionale des formations professionnelles.

Le mouvement s’annonce très complexe dans l’Enseignement supérieur: entre les fusions d’universités, les constitutions de COMUE (communautés d’universités et d’établissements) qui coïncideront… ou pas… avec les limites régionales, on sait que la situation n’est déjà pas simple. Les négociations se conduisaient entre elles et les régions dans le cadre des ex-contrats de plans État-Région, avec des politiques régionales: oui mais… deux ou trois universités qui avaient deux ou trois interlocuteurs régionaux différents n’en auront plus qu’un.

Dans ce contexte, les relations avec les collectivités territoriales vont s’avérer complexes. On a déjà vu, avec la nouvelle métropole de Lyon que les conditions d’un dialogue serein, tant avec les personnels territoriaux transférés qu’avec les services de l’État (et singulièrement de l’Éducation nationale) n’étaient pas nécessairement simplifiés… si l’on veut bien nous pardonner d’en rester à cet euphémisme.

En tout état de cause, d’officiel, il n’y a rien. On ne connaît même pas les «préfigurateurs» (préfectures, directions régionales) ni-même les capitales régionales (Strasbourg excepté). On peut entendre que les ministères et les préfectures de régions (existantes ou futures) aient besoin d’affiner les choses — et d’ailleurs les différents services ont commencé à travailler la question.

La fusion des régions sera chose légalement faite le 1er janvier 2016 (autrement dit, très vite) et il nous importe que les préoccupations des personnels (légitimement pour leur vie propre, l’accompagnement et les conditions d’une éventuelle mobilité, mais aussi leur expertise en matière d’exercice des missions de service public) soient prises en compte.

Pour l’UNSA, ce dialogue social doit intervenir en amont plutôt qu’en aval, avec un suivi tout au long du processus. Qu’on le veuille ou non, la fusion des régions est une réalité, qui s’ajoute au reste. Nous souhaitons peser sur les évolutions: non par posture (même si nous avons des idées précises), mais d’abord pour être utiles à des personnels de la Fonction publique qui doivent être reconnus et donc, surtout en de tels moments, respectés.

Luc BENTZ

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Le Bureau national de l’UNSA Fonction publique, qui s’est réuni le 9 avril 2015, a clairement dénoncé l’absence de dialogue social qui préside à une réorganisation des administrations territoriales de l’État, dans le contexte de la «loi NOtRe» (nouvelle organisation territoriale de la République) et des fusions de régions.

Plusieurs dispositifs se télescopent, se complètent et s’entrechoquent, surtout pour les personnels de la Fonction publique de l’État. Modernisation de l’administration publique (MAP), continuité des baisses d’effectifs dans les ministères non préservés (comme l’Éducation nationale), conséquences de la fusion des régions, réflexions au plus haut niveau sur le «management de proximité»: c’est un puissant mouvement de plaques tectoniques qui risque de bouleverser considérablement la configuration des administrations de l’État dans les territoires. Avec un oubli majeur que dénonce l’UNSA: l’absence de dialogue social à côté des réflexions que mènent les responsables gouvernementaux et administratifs dans un cadre interministériel (voir par exemple cet article du site UNSA Fonction publique sur la loi NOtRe).

C’est d’autant plus vrai que l’on voit certains textes soumis à concertation publiés dans un délai très rapide, voire très avancés dans la procédure (arbitrage interministériel rendu, transmission déjà faite au Conseil d’État…). Dans le cadre des discussions Parcours professionnels, Carrières, Rémunérations, le volet «ressources humaines» a été l’occasion, pour le ministère de la Fonction publique, d’évoquer à plusieurs reprises le renforcement du rôles des managers de proximité.

La question n’est pas nouvelle. Elle était déjà abordée dans les vœux présentés aux agents de la Fonction publique par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, le 23 janvier 2014:

«Enfin, un service public fort, c’est un service public qui rapproche les décisions et les territoires, là où les Français vivent et travaillent.

Cela suppose d’abord de réaliser un véritable saut qualitatif en matière de déconcentration. Des avancées importantes ont déjà été réalisées en la matière. Mais il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin et de replacer les acteurs de proximité et les chefs de services déconcentrés au cœur du fonctionnement de l’Etat.

Il faut redonner des marges d’action aux agents sur le terrain. Et cela implique que les administrations centrales se recentrent davantage sur leur rôle de pilotage et d’accompagnement.»

Mais dans quel cadre, précisément. Car il n’est pas ici question, à l’évidence, du «N+1» ou du «N+2» (échelons hiérarchiques immédiats). Avec la Réate (réforme de l’administration territoriale de l’État) on a vu naître des directions départementales interministérielles (dans notre champ de responsabilité, pour le secteur Jeunesse et Sports), voire des regroupements de directions régionales comme les DRJSCS (directions régionales de la Jeunesse et des Sports et de la Cohésion sociale). Non sans dommages, à la fois en termes d’exercice des mission de service public et de souffrance au travail des personnels.

En tout état de cause, on va vers des changements impactant également la «gestion des ressources humaines» dont on ne connaît ni l’ampleur ni la portée. S’il appartient aux pouvoirs constitués, Législateur compris, de redessiner ou modifier une carte administrative de la France (qui a d’ailleurs sensiblement évolué depuis 1789 et la création des départements), encore faut-il que le dialogue social l’accompagne plutôt qu’il n’en soit qu’une déclinaison a posteriori, voire la cinquième roue… du char de l’État.

La France à 13 régions métropolitaines
et ses conséquences

On voit aujourd’hui qu’une nouvelle évolution va intervenir avec la France à 13 régions métropolitaines qui n’auront qu’un préfet de région et, hors ses services propres (ceux du ministère de l’Intérieur), qu’une direction régionale (DR) par ministère. Dans des régions fusionnées (pensons à Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes, à Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées ou encre à Alsace–Champagne-Ardenne–Lorraine), on imagine pas que l’organisation fonctionnelle se borne à des fusions-absorptions de DR sans réflexion sur l’articulation avec les structures départementales (qui reste un échelon de l’État, sans doute renforcé du coup) ou les territoires qui s’organisent autour des métropoles régionales actuelles. On voit d’ailleurs, dans un domaine comme la Culture (avec ses DRAC) à quel point le problème est complexe.

Mais il y aura nécessairement des changements, parfois des bouleversements pour les agents. Sauf que pour l’instant, la réflexion — si elle avance — avance sans que les personnels en sachent grand chose. Avec à la clé toujours le même scénario: au moment où les arbitrages entre les différents acteurs institutionnels seront réglés, les choses seraient tellement ficelées que les marges du dialogue social s’avèreraient des plus limitées.

Guy Barbier (UNSA FP)L’UNSA Fonction publique, pour sa part, suit avec la plus grande attention l’ensemble de ces différents dispositifs, qu’ils soient votés ou en gestation. Elle a d’ailleurs été la seule organisation, par la voix de son secrétaire général Guy Barbier, à avoir déjà publiquement mis en évidences les contradictions orthogonales entre les différentes discussions:

C’est pourquoi l’UNSA continue à intervenir de façon insistance sur cette question. (Sur la dégradation du dialogue social dans la Fonction publique de l’État, voir cet autre article, avec notamment l’intervention de Guy Barbier, secrétaire général de l’UNSA Fonction publique.)

Quid du MENESR ?

Quid du MENESR ? Autrement dit : quels impacts pour le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche?

Côté Éducation nationale, l’hypothèse qui semble prévaloir (mais les arbitrages se rendront in fine à Matignon) ne remet pas en cause l’existence de plusieurs rectorats dans les régions fusionnées. On sait cependant que dans la Normandie fusionnée, l’hypothèse est de regrouper les deux rectorats existants (Caen, Rouen) en un seul, avec les cinq départements. Mais rien n’exclut que, dans d’autres cas, la carte des rectorats — qui resteraient les échelons déconcentrés de référence pour la GRH (y compris les enseignants des collèges et lycées) — restera inchangée partout. Cette situation n’est pas la seule : pour des raisons de praticité de gestion, elle a été évoquée également pour les agences régionales de santé (ARS) qui pilotent notamment les établissements hospitaliers.

Dans les rectorats coexistants des nouvelles régions, l’un des ces recteurs sera nécessairement chef de file (hiérarchiquement? comme primus inter pares — premier entre les égaux?) et pourrait concentrer la fonction de chancelier des universités (donc de représentant direct des ministres auprès de celles-ci) face à la région… puisqu’il y aura en effet une seule carte régionale des formations professionnelles.

Le mouvement s’annonce très complexe dans l’Enseignement supérieur: entre les fusions d’universités, les constitutions de COMUE (communautés d’universités et d’établissements) qui coïncideront… ou pas… avec les limites régionales, on sait que la situation n’est déjà pas simple. Les négociations se conduisaient entre elles et les régions dans le cadre des ex-contrats de plans État-Région, avec des politiques régionales: oui mais… deux ou trois universités qui avaient deux ou trois interlocuteurs régionaux différents n’en auront plus qu’un.

Dans ce contexte, les relations avec les collectivités territoriales vont s’avérer complexes. On a déjà vu, avec la nouvelle métropole de Lyon que les conditions d’un dialogue serein, tant avec les personnels territoriaux transférés qu’avec les services de l’État (et singulièrement de l’Éducation nationale) n’étaient pas nécessairement simplifiés… si l’on veut bien nous pardonner d’en rester à cet euphémisme.

En tout état de cause, d’officiel, il n’y a rien. On ne connaît même pas les «préfigurateurs» (préfectures, directions régionales) ni-même les capitales régionales (Strasbourg excepté). On peut entendre que les ministères et les préfectures de régions (existantes ou futures) aient besoin d’affiner les choses — et d’ailleurs les différents services ont commencé à travailler la question.

La fusion des régions sera chose légalement faite le 1er janvier 2016 (autrement dit, très vite) et il nous importe que les préoccupations des personnels (légitimement pour leur vie propre, l’accompagnement et les conditions d’une éventuelle mobilité, mais aussi leur expertise en matière d’exercice des missions de service public) soient prises en compte.

Pour l’UNSA, ce dialogue social doit intervenir en amont plutôt qu’en aval, avec un suivi tout au long du processus. Qu’on le veuille ou non, la fusion des régions est une réalité, qui s’ajoute au reste. Nous souhaitons peser sur les évolutions: non par posture (même si nous avons des idées précises), mais d’abord pour être utiles à des personnels de la Fonction publique qui doivent être reconnus et donc, surtout en de tels moments, respectés.

Luc BENTZ