Etre républicain

Propriété de personne -et c’est heureux-, les mots n’ont pas, pour tous et tout le temps, le même sens.  Aussi faut-il régulièrement préciser la signification qu’ils ont, qu’ils prennent ou qu’on leurs attribue. Ainsi en va-t-il ces derniers temps de notre attachement à la République, des noms et des adjectifs qui s’y rattachent. Qu’est-ce donc aujourd’hui être républicain ? Que signifient, au XXIème siècle, les attributs de la République comme la devise et l’école républicaines ? Si les termes mêmes semblent faire consensus, le sens qui leur est donné varie et parfois –même- se contredit.

Si la revendication à la République interroge aujourd’hui, ce n’est pas uniquement parce qu’un parti politique se prépare à en faire son nouvel étendard, mêlant, dans un coup de communication –espéré, par ses initiateurs, bien senti-  la référence au parti conservateur américain et celle au gaullisme de la cinquième république. C’est essentiellement parce que, dans la période troublée que nous traversons, la République apparait, avec ses valeurs partagée, comme un creuset identitaire dans lequel chacun – de droite comme de gauche- peut se reconnaître.

Ainsi redécouvre-t-on au lendemain des tragiques événements de janvier les vertus de la liberté, de l’égalité de la fraternité surtout. Et encore davantage de la laïcité. Même si c’est pour certains l’occasion de la dénaturer en tentant d’en faire un outil de christianisation, d’islamophobie ou d’anti-religion. Alors qu’elle est une totale liberté de conscience. Et donc implique de se défaire de toutes les formes de cléricalismes, c’est-à-dire de convictions religieuses imposant les manières de vivre et les façons de penser.

Un tel détournement sémantique s’opère également lorsqu’il s’agit d’évoquer l’Ecole de la République, régulièrement convoquée ces derniers temps pour la louer ou la blâmer et le plus souvent pour la citer comme la référence mythique d’un paradis éducatif perdu qu’il faudrait urgemment retrouver. Quand il ne s’agit pas de revendiquer le retour de l‘autorité des maîtres –tous affublés de la blouse des hussards noirs de la IIIème République- face aux drames sociétaux, c’est la réforme même de l’institution scolaire qui est taxée de menace pour l’école républicaine. Nouveaux programmes, renforcement du collège unique, évaluation positive et formative, autant de transformations qui mettraient en danger la sacrosainte mission confiée à l’école, une fois pour toute et définitivement : apprendre à lire, à écrire, à compter.  

Il serait facile de montrer, tant au travers de l’Histoire de l’Education en France que des politiques éducatives menées ces dernières années ou du contenus des programmes en matière d’éducation des différents partis politiques, le peu de légitimité que certains ont à ainsi revendiquer un héritage, une ambition, un engagement qui ne sont pas -et n’ont jamais été- les leurs.

Mais – plus que dans des querelles de filiation souvent stériles-  la question mérite d’être abordée sous un autre angle, en se demandant de quelle Education a aujourd’hui besoin notre République.

Tenter de répondre honnêtement à cette interrogation revient certainement à avouer qu’il n’y a pas de recette infaillible, mais aussi à reconnaître que la société a changée, qu’-inscrire dans une profonde mutation- elle change encore et que si les solutions d’hier éclairent notre présent, elles ne peuvent s’appliquer telle quelles à la construction de notre avenir.

Dans une société mondialisée, en réseau, dans laquelle l’information est pléthorique, le rapport au savoir évolue, le temps et les distances se réduisent et tendent –presque- à disparaître, les manières d’enseigner, de transmettre, d’apprendre sont obligatoirement bousculées et doivent être repensées.

Dans une société qui exclut et discrimine à partir de critères économiques, sociaux, culturels, mais aussi ethniques, de santé, de handicap, de religions, de genres ou d’orientations sexuelles, mais dans laquelle tous aspirent à davantage de justice, de réussite, de bonheur, les combats pour l’émancipation sont à renforcés même si les asservissements ont changé de formes et –peut-être -de nature.

Dans une société qui crée de plus en plus de richesse, mais la répartit de moins en moins équitablement, creusant des écarts énormes entre ceux qui ont (beaucoup) et ceux qui n’ont rien (ou presque, ou moins que rien), la solidarité et la fraternité doivent s’interroger, sortir de la seule démarche charitable, créer des mixités pour redonner à tous la fierté de la dignité humaine.

C’est à ces devoirs que la République doit pouvoir trouver les réponses.

C’est à cette mission que doit être mobilisée l’Ecole de la République.

Agir dans ce sens, refonder l’Education pour qu’elle donne une signification et une réalité d’aujourd’hui à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, c’est peut-être –et même surement- cela –au-delà des étiquettes- être républicain. 

 

Denis ADAM, le  22 avril 2015
 

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Propriété de personne -et c’est heureux-, les mots n’ont pas, pour tous et tout le temps, le même sens.  Aussi faut-il régulièrement préciser la signification qu’ils ont, qu’ils prennent ou qu’on leurs attribue. Ainsi en va-t-il ces derniers temps de notre attachement à la République, des noms et des adjectifs qui s’y rattachent. Qu’est-ce donc aujourd’hui être républicain ? Que signifient, au XXIème siècle, les attributs de la République comme la devise et l’école républicaines ? Si les termes mêmes semblent faire consensus, le sens qui leur est donné varie et parfois –même- se contredit.

Si la revendication à la République interroge aujourd’hui, ce n’est pas uniquement parce qu’un parti politique se prépare à en faire son nouvel étendard, mêlant, dans un coup de communication –espéré, par ses initiateurs, bien senti-  la référence au parti conservateur américain et celle au gaullisme de la cinquième république. C’est essentiellement parce que, dans la période troublée que nous traversons, la République apparait, avec ses valeurs partagée, comme un creuset identitaire dans lequel chacun – de droite comme de gauche- peut se reconnaître.

Ainsi redécouvre-t-on au lendemain des tragiques événements de janvier les vertus de la liberté, de l’égalité de la fraternité surtout. Et encore davantage de la laïcité. Même si c’est pour certains l’occasion de la dénaturer en tentant d’en faire un outil de christianisation, d’islamophobie ou d’anti-religion. Alors qu’elle est une totale liberté de conscience. Et donc implique de se défaire de toutes les formes de cléricalismes, c’est-à-dire de convictions religieuses imposant les manières de vivre et les façons de penser.

Un tel détournement sémantique s’opère également lorsqu’il s’agit d’évoquer l’Ecole de la République, régulièrement convoquée ces derniers temps pour la louer ou la blâmer et le plus souvent pour la citer comme la référence mythique d’un paradis éducatif perdu qu’il faudrait urgemment retrouver. Quand il ne s’agit pas de revendiquer le retour de l‘autorité des maîtres –tous affublés de la blouse des hussards noirs de la IIIème République- face aux drames sociétaux, c’est la réforme même de l’institution scolaire qui est taxée de menace pour l’école républicaine. Nouveaux programmes, renforcement du collège unique, évaluation positive et formative, autant de transformations qui mettraient en danger la sacrosainte mission confiée à l’école, une fois pour toute et définitivement : apprendre à lire, à écrire, à compter.  

Il serait facile de montrer, tant au travers de l’Histoire de l’Education en France que des politiques éducatives menées ces dernières années ou du contenus des programmes en matière d’éducation des différents partis politiques, le peu de légitimité que certains ont à ainsi revendiquer un héritage, une ambition, un engagement qui ne sont pas -et n’ont jamais été- les leurs.

Mais – plus que dans des querelles de filiation souvent stériles-  la question mérite d’être abordée sous un autre angle, en se demandant de quelle Education a aujourd’hui besoin notre République.

Tenter de répondre honnêtement à cette interrogation revient certainement à avouer qu’il n’y a pas de recette infaillible, mais aussi à reconnaître que la société a changée, qu’-inscrire dans une profonde mutation- elle change encore et que si les solutions d’hier éclairent notre présent, elles ne peuvent s’appliquer telle quelles à la construction de notre avenir.

Dans une société mondialisée, en réseau, dans laquelle l’information est pléthorique, le rapport au savoir évolue, le temps et les distances se réduisent et tendent –presque- à disparaître, les manières d’enseigner, de transmettre, d’apprendre sont obligatoirement bousculées et doivent être repensées.

Dans une société qui exclut et discrimine à partir de critères économiques, sociaux, culturels, mais aussi ethniques, de santé, de handicap, de religions, de genres ou d’orientations sexuelles, mais dans laquelle tous aspirent à davantage de justice, de réussite, de bonheur, les combats pour l’émancipation sont à renforcés même si les asservissements ont changé de formes et –peut-être -de nature.

Dans une société qui crée de plus en plus de richesse, mais la répartit de moins en moins équitablement, creusant des écarts énormes entre ceux qui ont (beaucoup) et ceux qui n’ont rien (ou presque, ou moins que rien), la solidarité et la fraternité doivent s’interroger, sortir de la seule démarche charitable, créer des mixités pour redonner à tous la fierté de la dignité humaine.

C’est à ces devoirs que la République doit pouvoir trouver les réponses.

C’est à cette mission que doit être mobilisée l’Ecole de la République.

Agir dans ce sens, refonder l’Education pour qu’elle donne une signification et une réalité d’aujourd’hui à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, c’est peut-être –et même surement- cela –au-delà des étiquettes- être républicain. 

 

Denis ADAM, le  22 avril 2015