Et si le renouveau des relations humaines commençait avec l’Éducation ?

Des nouvelles formes de dialogue social au renouveau d’une citoyenneté participative, en passant par d’autres conditions de travail, dans notre monde en profonde mutation, les relations entre les individus sont fortement réinterrogées.

Des nouvelles formes de dialogue social au renouveau d’une citoyenneté participative, en passant par d’autres conditions de travail, dans notre monde en profonde mutation, les relations entre les individus sont fortement réinterrogées.

Les années 1980-2000 ont mis en évidence un individualisme grandissant dans lequel le chacun pour soi pouvait conduire de l’ignorance de l’autre à la concurrence et la compétition les plus acharnées. Ces attitudes vécues au quotidien -du chacun chez soi avec l’éclosion de la petite maison individuelle de lotissement bien séparée de celle du voisin par une haute haie au fait de bousculer les autres charriots afin d’être le premier à la caisse du supermarché…- se sont également imposées dans le monde du travail (se faire remarquer comme le meilleur pour être promu) comme dans l’acte politique (« je ne voterai pas pour untel car il n’a rien fait pour moi » ou « cela ne me concerne pas, je ne vote pas »…).

Sans vouloir lui faire porter la responsabilité de manière trop rapide et trop simpliste, l’observation de notre système éducatif et particulièrement scolaire montre tout de même que, dans ce même temps, l’Ecole a renforcé la mise en concurrence des élèves, misant sur la compétition comme mode d’émulation et excluant de fait tous ceux qui ne réussissaient pas brillamment, faisant ainsi de l’évaluation et de l’orientation des renforcements des disparités sociales, économiques et culturelles.

Sommes-nous à un tournant ? Trop tôt certainement pour le dire. Mais un frémissement se fait sentir qui semble indiquer une évolution. Le besoin de relation, de « reliance » et les possibilités techniques qu’offrent le numérique conduisent à un fonctionnement en réseau qui favorise les échanges, recrée du « commun » et invite aux approches coopératives. Les sociologues -empruntant le terme à la psychologie- parlent d’individuation pour décrire le comportement d’un être voulant être reconnu pour ce qu’il est personnellement, mais également dans son appartenance à un groupe, à un collectif.

Dans ce contexte se multiplie les réflexions et les expérimentations pour modifier et faire évoluer les rapports humains dans les espaces collectifs. C’est le cas en urbanisme. Ce l’est aussi dans la recherche de rénovation du management dans les lieux de travail, qui sans être parfois sans danger ou masquant mal une recherche accrue de productivité, tend à partager les responsabilités, réduire les hiérarchies, mieux associer les compétences. On peut d’ailleurs légitimement se demander si la fonction publique est capable d’envisager et de mettre en place une telle évolution.

La question de l’implication des citoyens dans une vie démocratique davantage participative est également posée. La multiplication des conseils (de jeunes, d’habitants, d’étrangers, de quartiers…) montrent vite les limites d’une autres formes de représentation et d’une implication d’un petit nombre. L’activation de démarches permettant de mettre davantage en œuvre le pouvoir d’agir des citoyens a lieu dans de nombreuses démarches et interpelle la « capacitation » de toutes et tous à pouvoir agir sur la société, prendre part aux décisions, être acteur de la transformation sociale.

Quel rôle joue ou peut jouer l’Education dans une telle approche ?  Double certainement. En participant au changement de mentalités et de comportement grâce à la valorisation et à la capacité de faire vivre au quotidien des approches de coopération, de co-construction, d’entraide, d’apprentissage par les pairs remplaçant celle de compétition, de concurrence, de chacun pour soi. Mais aussi en mettant en évidence les richesses de la complémentarité, s’appuyant sur le développement des compétences de chacun et non uniquement sur ses connaissances, valorisant également toutes les formes d’intelligence et de perception, développant toutes les formes d’expression et d’approches sensibles…

De plus en plus de démarches vont dans ce sens. Souvent discrètement, sans chercher à se mettre en avant ou se faire valoir, des équipes éducatives innovent, inventent, construisent des processus d’apprentissage qui valorise les apports de chacun dans des travaux collectifs, actifs et participatifs. Des projets en partenariat voient le jour dans lesquels les élèves sont réellement acteurs et mettent en œuvre une large part d’initiative et d’autonomie. De fait, loin de ceux qui vont le plus de bruit pour s’opposer à tous changements, une majorité d’enseignants et de professionnels de l’Éducation font déjà vivre cette évolution éducative et pédagogique au quotidien.


Sans optimisme béat, mais avec lucidité, le constat d’une évolution dans les relations entre les êtres humains laisse penser que pourrait émerger de nouvelles formes de dialogue social, de relations au travail et plus globalement un renouveau de notre démocratie. Cela invite l’Éducation à refonder ses propres démarches afin de participer à ce changement encore ténu mais déjà réel.

 

Denis ADAM, le 14 octobre 2015

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Des nouvelles formes de dialogue social au renouveau d’une citoyenneté participative, en passant par d’autres conditions de travail, dans notre monde en profonde mutation, les relations entre les individus sont fortement réinterrogées.

Les années 1980-2000 ont mis en évidence un individualisme grandissant dans lequel le chacun pour soi pouvait conduire de l’ignorance de l’autre à la concurrence et la compétition les plus acharnées. Ces attitudes vécues au quotidien -du chacun chez soi avec l’éclosion de la petite maison individuelle de lotissement bien séparée de celle du voisin par une haute haie au fait de bousculer les autres charriots afin d’être le premier à la caisse du supermarché…- se sont également imposées dans le monde du travail (se faire remarquer comme le meilleur pour être promu) comme dans l’acte politique (« je ne voterai pas pour untel car il n’a rien fait pour moi » ou « cela ne me concerne pas, je ne vote pas »…).

Sans vouloir lui faire porter la responsabilité de manière trop rapide et trop simpliste, l’observation de notre système éducatif et particulièrement scolaire montre tout de même que, dans ce même temps, l’Ecole a renforcé la mise en concurrence des élèves, misant sur la compétition comme mode d’émulation et excluant de fait tous ceux qui ne réussissaient pas brillamment, faisant ainsi de l’évaluation et de l’orientation des renforcements des disparités sociales, économiques et culturelles.

Sommes-nous à un tournant ? Trop tôt certainement pour le dire. Mais un frémissement se fait sentir qui semble indiquer une évolution. Le besoin de relation, de « reliance » et les possibilités techniques qu’offrent le numérique conduisent à un fonctionnement en réseau qui favorise les échanges, recrée du « commun » et invite aux approches coopératives. Les sociologues -empruntant le terme à la psychologie- parlent d’individuation pour décrire le comportement d’un être voulant être reconnu pour ce qu’il est personnellement, mais également dans son appartenance à un groupe, à un collectif.

Dans ce contexte se multiplie les réflexions et les expérimentations pour modifier et faire évoluer les rapports humains dans les espaces collectifs. C’est le cas en urbanisme. Ce l’est aussi dans la recherche de rénovation du management dans les lieux de travail, qui sans être parfois sans danger ou masquant mal une recherche accrue de productivité, tend à partager les responsabilités, réduire les hiérarchies, mieux associer les compétences. On peut d’ailleurs légitimement se demander si la fonction publique est capable d’envisager et de mettre en place une telle évolution.

La question de l’implication des citoyens dans une vie démocratique davantage participative est également posée. La multiplication des conseils (de jeunes, d’habitants, d’étrangers, de quartiers…) montrent vite les limites d’une autres formes de représentation et d’une implication d’un petit nombre. L’activation de démarches permettant de mettre davantage en œuvre le pouvoir d’agir des citoyens a lieu dans de nombreuses démarches et interpelle la « capacitation » de toutes et tous à pouvoir agir sur la société, prendre part aux décisions, être acteur de la transformation sociale.

Quel rôle joue ou peut jouer l’Education dans une telle approche ?  Double certainement. En participant au changement de mentalités et de comportement grâce à la valorisation et à la capacité de faire vivre au quotidien des approches de coopération, de co-construction, d’entraide, d’apprentissage par les pairs remplaçant celle de compétition, de concurrence, de chacun pour soi. Mais aussi en mettant en évidence les richesses de la complémentarité, s’appuyant sur le développement des compétences de chacun et non uniquement sur ses connaissances, valorisant également toutes les formes d’intelligence et de perception, développant toutes les formes d’expression et d’approches sensibles…

De plus en plus de démarches vont dans ce sens. Souvent discrètement, sans chercher à se mettre en avant ou se faire valoir, des équipes éducatives innovent, inventent, construisent des processus d’apprentissage qui valorise les apports de chacun dans des travaux collectifs, actifs et participatifs. Des projets en partenariat voient le jour dans lesquels les élèves sont réellement acteurs et mettent en œuvre une large part d’initiative et d’autonomie. De fait, loin de ceux qui vont le plus de bruit pour s’opposer à tous changements, une majorité d’enseignants et de professionnels de l’Éducation font déjà vivre cette évolution éducative et pédagogique au quotidien.


Sans optimisme béat, mais avec lucidité, le constat d’une évolution dans les relations entre les êtres humains laisse penser que pourrait émerger de nouvelles formes de dialogue social, de relations au travail et plus globalement un renouveau de notre démocratie. Cela invite l’Éducation à refonder ses propres démarches afin de participer à ce changement encore ténu mais déjà réel.

 

Denis ADAM, le 14 octobre 2015