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Enseignement des maths : une précipitation vide de sens

L’actualité médiatique fait la part belle aux mathématiques, discipline scolaire incontournable qui est appréciée des un·es et honnie des autres. L’UNSA Éducation vous propose de faire un pas de côté pour réfléchir aux enjeux. Il y a urgence à se laisser le temps d'une vraie réflexion et à sortir de la communication politique, qui est sans cohérence pédagogique à quelques semaines des élections présidentielles. Vouloir mettre une rustine juste avant les présidentielles et régler le sujet en 3 semaines est contre-productif. Il faut redonner goût à cette matière qui doit être pensée dans le cadre d’une culture générale scientifique et sortir de l’obsession de performance scolaire.

Là où certains regrettent que les maths ne soient plus cet instrument qui permettait de trier les élèves, l’UNSA Éducation souhaite prendre un autre angle. Un enseignement des maths spécifique doit former celles et ceux qui s’orienteront vers les voies scientifiques. Mais il ne faut pas oublier la majorité des élèves pour lesquels les mathématiques ne sont pas attractives, parfois considérées comme austères voire rébarbative. Rappelons l’essentiel : nous avons toutes et tous besoin des mathématiques pour nous repérer, compter, lire des graphiques, comparer des données, comprendre des pourcentages… ce sont des compétences essentielles pour les citoyens et pour développer l’esprit critique. Alors, il est temps de faire des maths autrement pour donner le goût des maths, et pour réconcilier une majorité des élèves avec cet enseignement.

Que disent les évaluations internationales et les statistiques ?

Les enquêtes internationales PISA et TIMSS (Trends In Mathematics and Science Study), l’attestent : les élèves français ne sont pas les champions des maths. Les mauvais résultats en maths datent de plusieurs années. Un exemple avec l’évaluation TIMMS 2019 qui note que nos élèves de CM1 affichent un score de 485 points en mathématiques, bien loin des 526 points de la moyenne internationale. Retrouvez notre analyse complète des résultats de ces dernières évaluations internationales en maths et sciences : cliquez ici

Même son de cloche du côté de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) : une récente note (à retrouver en cliquant ici) nous rappelle qu’il y a une corrélation entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves en maths.

Aussi, la différence de maîtrise des élèves de collèges classés en REP+ avec les collégiens hors éducation prioritaire est d’environ 30 points en maths (42,2% contre 73,5%), à la défaveur des premiers. Les performances restent très variables selon le profil social des collèges, les résultats étant inférieurs dans les collèges défavorisés. Les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Malgré tout, on assiste à une focalisation des débats autour de l’enseignement en lycée, ce qui masque à peine une vision élitiste du problème. En effet on ne s’intéresse que peu aux élèves des spécialités littéraires, technologiques voire à la voie professionnelle.

Les maths dans la voie générale du lycée

Pour l’UNSA Éducation, c’est la place des mathématiques qu’il faut interroger. L’objectif doit être que tous les élèves puissent bénéficier de cet enseignement dans leur parcours. L’enjeu du socle commun de compétences et de connaissances est déjà une étape importante. Concernant la réforme du lycée, malgré nos alertes et nos interventions en comité de suivi, le ministère a fait des propositions inadaptées en niant les difficultés réelles autour des programmes. Ils sont trop denses et peu adaptés à la diversité des élèves ayant besoin des mathématiques. On parle de programmes conçus pour des élèves de l’ancienne série S, c’est à dire pour des élèves ayant des besoins spécifiques pour la physique-chimie et qui ont l’ambition de poursuivre leurs études en CPGE scientifique. Les difficultés rencontrées par les professeurs de mathématiques et leurs élèves étaient donc prévisibles au vu du programme proposé. De plus, nous n’avons cessé d’alerter le ministère sur le programme trop lourd et trop ambitieux de la spécialité de mathématiques, qui rebuterait les élèves ne souhaitant pas se tourner vers une carrière scientifique. Or, nombre d’élèves auraient besoin de conserver un enseignement de mathématiques afin de garder un niveau satisfaisant pour leur poursuite d’études.

Pourquoi ne pas envisager un programme de mathématiques appliquées ? Ou intégrer les outils mathématiques dans les spécialités SES (statistiques, coûts marginaux, etc…), ou encore en physique. C’est ce qui existe dans certains BTS et cela permet de dépasser la peur autour des maths.

La réponse ministérielle serait de proposer plus d’heures de maths. Or cela ne donnera pas le goût des maths à celles et ceux qui ne l’ont pas. Il ne faut pas traiter la question de la relation de nos élèves aux maths par un prisme aussi étroit que celui du nombre d’heures consacré à cet enseignement. Aucune réflexion ne semble menée sur la manière dont les maths sont enseignées.

Et si on passait par le jeu?

À tous les niveaux, on peut utiliser le jeu pour enseigner les mathématiques. Les pédagogues proposent souvent des jeux pour faire travailler ou découvrir certaines notions. La pratique des jeux mathématiques favorise l’apprentissage des mathématiques. Les liens entre maths et jeu existent : Cliquez ici pour retrouver notre article.

Il serait aussi intéressant d’analyser l’échec de l’enseignement scientifique à remplir son rôle dans la formation à une culture scientifique commune incluant les mathématiques. On entend encore moins parler de la formation des enseignant·es

Et si on se penchait sur la formation des enseignant·es ?

Et si le rapport français à cette discipline prenait sa source dès les premières classes ? Dans les INSPE, la majorité des étudiants qui préparent le concours de Professeur des Écoles, est issue de filières dites littéraires ou de sciences sociales. Ce sont des personnes qui peuvent avoir moins d’appétence pour les maths et qui parfois n’en ont pas pratiqué depuis la seconde au lycée. Leur formation et l’attractivité pour les étudiant·es issus des filières scientifiques est clairement posée. Autre élément concernant la formation des enseignant·es, l’étude TIMSS souligne une amélioration entre 2015 et 2019 mais sans aucun effet sur les performances des élèves. Alors que 53% des élèves avaient un·e enseignant·e n’ayant participé à aucune formation au cours des deux années écoulées lors de TIMSS 2015, ils n’étaient plus que 23% dans ce cas en 2019 (28% de moyenne européenne).

La question de l’orientation et du rôle des maths dans les choix d’orientation, les évolutions nécessaires des formations de l’enseignement supérieur pour prendre en compte la réforme du lycée sont totalement absentes des réflexions. Nous n’avons pas encore le recul suffisant sur ces points. De même on doit absolument penser et agir pour l’orientation des filles dans les filières scientifiques valorisantes.

Il est indispensable de poser tous ces éléments qui doivent entrer dans une réflexion globale sur la place des maths. Quelle est donc alors l’urgence à rajouter maintenant des heures de maths ou mettre en place de nouveaux enseignements de spécialités ?

Le ministère semble oublier que la crise sanitaire a mobilisé et continue de perturber le fonctionnement des établissements. De plus, comment financer des heures supplémentaires de mathématiques pour la rentrée 2022 et avec quels moyens humains ?

Le temps médiatique et les annonces politiques ne sont pas des atouts pour des réformes éducatives. Il est indispensable de se laisser le temps d’une véritable réflexion au risque de se contenter de rustines et d’une communication politique. Cela risque également de compliquer la préparation de la rentrée et de rajouter du stress aux équipes.

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