Du populaire…au populisme

Est-ce « le baiser de la mort » qu’a reçu Jean-Michel Blanquer de la part de Marine Le Pen lorsqu’elle affirme que « l’engouement » suscité par le ministre de l’Education nationale et ses décisions constituent « une victoire idéologique notable pour le front national » et qualifie de positives les annonces qu’il multiplie.

Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas -malgré les affirmations de la présidente du parti d’extrême droite- d’amalgamer Jean-Michel Blanquer au front national. Mais de s’interroger sur le pourquoi de cette reconnaissance.
Par récupération politique, se plaint le ministre.

Par illusion naïve, laisse entendre le collectif Racine, ancien groupe d’enseignants du FN dorénavant chez Florian Philippot.

Pas si simple.

Creusons un peu.

Du côté du FN d’abord. Les annonces pour l’Education ont été faites en deux temps lors de la campagne présidentielle. Suite au 100 mesures élaborées par le collectif Racine, Marine le Pen n’en retient tout d’abord que 3 : l’enseignement du français pour 50% du programme de l’école primaire, la fin du collège unique, la sélection à l’entrée de l’université. Ensuite, alors qu’elle prend 144 engagements si elle est élue, la candidate du Front National en propose 12 concernant l’enseignement. Parmi eux, les trois déjà évoqués ainsi que l’apprentissage dès 14 ans, le port de l’uniforme, la fin des nouveaux rythmes scolaires, l’exclusivité de l’usage de la langue française et la suppression de l’enseignement des langues et cultures d’origine, la promotion des écoles privées sous contrat (comprendre l’enseignement catholique), la valorisation du mérite et le rétablissement de l’autorité.

Le programme éducatif -à vrai dire exclusivement d’enseignement- de Marine Le Pen porte ainsi en germe la distinction entre deux catégories d’élèves : une élite méritante qu’il faut privilégier et les enfants d’immigrés tirant le niveau vers le bas et devant être orientés au plus tôt vers les métiers manuels. Elle n’a pas déclaré autre chose d’ailleurs la semaine dernière en accusant les « étrangers » d’être la cause principale des résultats des élèves en lecture.

Le collectif Racine en septembre 2016 allait lui encore plus loin. Entrant dans les détails d’un projet pédagogique réinstaurant les études surveillées, imposant la méthode syllabique comme seule méthode autorisée pour l’apprentissage de la lecture, supprimant les épreuves pédagogiques des concours de recrutement des enseignants pour se recentrer sur les seules connaissances disciplinaires.

Il n’est donc pas très étonnant, comme l’indique Claude Lelièvre dans son blog, qu’ayant rejoint « les Patriotes » de Florian Philippot, ce collectif prenne ces distances et accuse Blanquer de n’être, « sous une savante démagogie de bon sens », « rien d’autre qu’un exécuteur zélé des diktats conçus dans les sphères européistes et mondialistes ». Tout en reconnaissant « les bonnes intentions, les bonnes orientations », le collectif raille « les dupes de la dictée quotidienne » qui imaginent le ministre de l’éducation nationale porteur d’ « une nostalgie sincère pour l’excellence passée de notre Ecole ».
Ainsi donc, l’extrême droite est partagée face aux décisions de Jean-Michel Blanquer.

Celui-ci, de son côté, ne passe pas une semaine sans faire de nouvelles annonces qui détricotent consciencieusement l’esprit et les contenus de la loi de refondation de l’Ecole de la République, élaborées par ses prédécesseurs. Surfant sur une opinion publique favorable, il attise l’opposition avec le soi-disant « pédagogisme », coupable de tous les maux du système scolaire français, balayant par là-même les félicitations de l’OCDE, considérant que les réformes entreprises entre 2012 et 2017 vont dans le bon sens et qu’il convient de les amplifier.

Des annonces comme l’interdiction des téléphones portables, le retour de la possibilité des redoublements ou la dictée quotidienne sont autant de mesures qui plaisent, mais qui sont totalement inutiles. D’abord parce qu’elles sont déjà possibles avec les textes actuels. Ensuite parce qu’elles vont à l’encontre de l’autonomie des équipes pédagogiques, condition indispensable au rétablissement d’une école de la confiance dont se targue le ministre.

Ainsi, à force de jouer la communication facile pour entretenir son soutien populaire, Jean-Michel Blanquer dérive vers le populisme. Pas étonnant qu’il reçoive le soutien du FN, puisque ce parti en a fait son fond de commerce.

 

Denis ADAM, le 13 décembre 2017
 

 

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Est-ce « le baiser de la mort » qu’a reçu Jean-Michel Blanquer de la part de Marine Le Pen lorsqu’elle affirme que « l’engouement » suscité par le ministre de l’Education nationale et ses décisions constituent « une victoire idéologique notable pour le front national » et qualifie de positives les annonces qu’il multiplie.

Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas -malgré les affirmations de la présidente du parti d’extrême droite- d’amalgamer Jean-Michel Blanquer au front national. Mais de s’interroger sur le pourquoi de cette reconnaissance.
Par récupération politique, se plaint le ministre.

Par illusion naïve, laisse entendre le collectif Racine, ancien groupe d’enseignants du FN dorénavant chez Florian Philippot.

Pas si simple.

Creusons un peu.

Du côté du FN d’abord. Les annonces pour l’Education ont été faites en deux temps lors de la campagne présidentielle. Suite au 100 mesures élaborées par le collectif Racine, Marine le Pen n’en retient tout d’abord que 3 : l’enseignement du français pour 50% du programme de l’école primaire, la fin du collège unique, la sélection à l’entrée de l’université. Ensuite, alors qu’elle prend 144 engagements si elle est élue, la candidate du Front National en propose 12 concernant l’enseignement. Parmi eux, les trois déjà évoqués ainsi que l’apprentissage dès 14 ans, le port de l’uniforme, la fin des nouveaux rythmes scolaires, l’exclusivité de l’usage de la langue française et la suppression de l’enseignement des langues et cultures d’origine, la promotion des écoles privées sous contrat (comprendre l’enseignement catholique), la valorisation du mérite et le rétablissement de l’autorité.

Le programme éducatif -à vrai dire exclusivement d’enseignement- de Marine Le Pen porte ainsi en germe la distinction entre deux catégories d’élèves : une élite méritante qu’il faut privilégier et les enfants d’immigrés tirant le niveau vers le bas et devant être orientés au plus tôt vers les métiers manuels. Elle n’a pas déclaré autre chose d’ailleurs la semaine dernière en accusant les « étrangers » d’être la cause principale des résultats des élèves en lecture.

Le collectif Racine en septembre 2016 allait lui encore plus loin. Entrant dans les détails d’un projet pédagogique réinstaurant les études surveillées, imposant la méthode syllabique comme seule méthode autorisée pour l’apprentissage de la lecture, supprimant les épreuves pédagogiques des concours de recrutement des enseignants pour se recentrer sur les seules connaissances disciplinaires.

Il n’est donc pas très étonnant, comme l’indique Claude Lelièvre dans son blog, qu’ayant rejoint « les Patriotes » de Florian Philippot, ce collectif prenne ces distances et accuse Blanquer de n’être, « sous une savante démagogie de bon sens », « rien d’autre qu’un exécuteur zélé des diktats conçus dans les sphères européistes et mondialistes ». Tout en reconnaissant « les bonnes intentions, les bonnes orientations », le collectif raille « les dupes de la dictée quotidienne » qui imaginent le ministre de l’éducation nationale porteur d’ « une nostalgie sincère pour l’excellence passée de notre Ecole ».
Ainsi donc, l’extrême droite est partagée face aux décisions de Jean-Michel Blanquer.

Celui-ci, de son côté, ne passe pas une semaine sans faire de nouvelles annonces qui détricotent consciencieusement l’esprit et les contenus de la loi de refondation de l’Ecole de la République, élaborées par ses prédécesseurs. Surfant sur une opinion publique favorable, il attise l’opposition avec le soi-disant « pédagogisme », coupable de tous les maux du système scolaire français, balayant par là-même les félicitations de l’OCDE, considérant que les réformes entreprises entre 2012 et 2017 vont dans le bon sens et qu’il convient de les amplifier.

Des annonces comme l’interdiction des téléphones portables, le retour de la possibilité des redoublements ou la dictée quotidienne sont autant de mesures qui plaisent, mais qui sont totalement inutiles. D’abord parce qu’elles sont déjà possibles avec les textes actuels. Ensuite parce qu’elles vont à l’encontre de l’autonomie des équipes pédagogiques, condition indispensable au rétablissement d’une école de la confiance dont se targue le ministre.

Ainsi, à force de jouer la communication facile pour entretenir son soutien populaire, Jean-Michel Blanquer dérive vers le populisme. Pas étonnant qu’il reçoive le soutien du FN, puisque ce parti en a fait son fond de commerce.

 

Denis ADAM, le 13 décembre 2017