Donner à l’Education des perspectives d’avenir

Dès son invention en 1993, le world wide web portait l’ambition de favoriser le partage de l’information. Le web 2.0, dix ans plus tard, a renforcé cet idéal avec l’apparition des réseaux sociaux et des dispositifs d’échanges entre pairs. Pour autant force est de constater que ce développement c’est accompagné d’une captation et d’une marchandisation, quasi monopolistique, de l’information.

Dès son invention en 1993, le world wide web portait l’ambition de favoriser le partage de l’information. Le web 2.0, dix ans plus tard, a renforcé cet idéal avec l’apparition des réseaux sociaux et des dispositifs d’échanges entre pairs.

Pour autant force est de constater que ce développement c’est accompagné d’une captation et d’une marchandisation, quasi monopolistique, de l’information.

Or l’information n’est pas le savoir. Alors que l’information correspond au temps immédiat de sa présentation, le savoir s’inscrit dans la durée de son appropriation. La première relève de la perception, de la pulsion. Le second nécessite une transformation et donc une action de l’apprenant : une individuation.

Le risque pourrait être que le temps court de la mise à disposition instantanée de l’information contredise le temps long de la constitution et du développement des savoirs et s’oppose à leur sublimation.

Il ne s’agit pourtant pas de rejeter le numérique au prétexte que son économie présente ces risques de court-circuitage. Ce serait jeter le bébé avec l’eau du bain. Le web 2.0, et certainement encore davantage les futurs développements à venir, offre cette innovation révolutionnaire de ne pas être seulement des médias de diffusion, mais de permettre une démarche contributive et coopérative. Cela conduit à la fois à multiplier les sources d’informations et à les inscrire dans une complémentarité. Mais également à élaborer collectivement des savoirs.

Une telle démarche influe doublement sur la relation aux savoirs. En modifiant, diversifiant, multipliant les contenus. En transformant les approches.
C’est donc l’Education, au sens large qui est concernée. Pas uniquement l’institution scolaire ou universitaire. Pas même seulement l’Education populaire, parentale, médiatique. Il s’agit d’une implication globale, culturelle, sociétale entrainant une nouvelle épistémologie, c’est-à-dire une nouvelle compréhension et un nouvel usage des évolutions de la technologie.

Dans ce cadre, l’Education est concernée au premier chef. Et l’Ecole en priorité.

En effet, les changements induits par cet apport du numérique nécessitent d’être pris en compte, développés, accompagnés. Mieux, il est indispensable d’éduquer à ces transformations. Non par des discours. Si la réflexion et l’approche théorique sont indispensables, elles n’ont ici de sens que dans leur mise en œuvre. Il s’agit donc de faire. Et d’intégrer au cœur des démarches d’apprentissage cette notion de travail contributif.

Il est loin le temps de l’élève passif et considéré comme ignorant recevant quotidiennement sa dose de connaissances généreusement dispensée par l’enseignant omniscient. Pour autant les expressions telles que « exposition au savoir » ou « instruction », comme la condamnation par une partie de la classe dirigeante du soi-disant « pédagogisme », montrent que le modèle d’une diffusion des connaissances uniquement verticale et du haut vers le bas est encore très prégnante. Autant peut-être, si ce n’est plus, dans la conception de l’institution et dans la représentation qui en est faite, que dans les pratiques quotidiennes d’une majorité d’équipes pédagogiques.

L’étiquette de l’innovation conduit parfois davantage à l’isolement qu’à la diffusion et la généralisation des expérimentations. Reconnaître ici un enseignant, là une équipe, ailleurs un établissement ou un territoire innovant les discrimine et les enferme dans une case qui les marginalise, sans forcément leur donner les moyens et les occasions de diffuser, partager, mutualiser leurs démarches.

La formation -et tout particulièrement celle des enseignants- est encore trop éloignée d’une véritable formation professionnelle, permettant de les outiller à intervenir pédagogiquement avec des démarches et des approches adaptées à chaque situation et à chaque public. Mieux à chaque enfant, à chaque forme d’intelligence et mode d’apprentissage.

La recherche en Education reste un parent pauvre de la recherche en France et elle est, trop souvent encore, déconnectée de la pratique du terrain. Insuffisamment mobilisée dans les ESPé, elle ne conduit pas assez -ou très difficilement- à des recherches-actions multi-partenariales impliquant l’ensemble des acteurs éducatifs, dont les élèves eux-mêmes, avec les équipes de recherche.

Les travaux menés dans le sens d’une meilleure compréhension des évolutions des rapports aux savoirs et de leur appropriation sont à saluer. Ils doivent former la base de la réflexion pour transformer progressivement les pratiques éducatives, rendre l’autonomie et la reconnaissance professionnelles aux éducateurs, empêcher que le monde marchand des éditeurs de supports et des diffuseurs d’informations n’impose ses règles et ses modes de pensées.

C’est en cela qu’il convient de saluer la mission confiée à François Taddéï sur la recherche en développement dans l’Education. Bien qu’arrivant très tardivement, à la fin d’un quinquennat qui aurait pu s’enorgueillir de mieux accompagner cette articulation entre recherche et pratiques éducatives, elle donnera des pistes incontournables pour l’évolution de l’Education de demain.

Dans la même logique, l’étude commanditée par le centre de recherche de l’UNSA Education et réalisée par l’IRI (Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou) sur « la production et la transmission des savoirs à l’ère du numérique et de l’économie de la contribution » inscrit la réflexion éducative dans une perspective d’avenir.

Certainement ce dont l’Education a le plus besoin.

 

Denis Adam, le 15 mars 2017

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Dès son invention en 1993, le world wide web portait l’ambition de favoriser le partage de l’information. Le web 2.0, dix ans plus tard, a renforcé cet idéal avec l’apparition des réseaux sociaux et des dispositifs d’échanges entre pairs.

Pour autant force est de constater que ce développement c’est accompagné d’une captation et d’une marchandisation, quasi monopolistique, de l’information.

Or l’information n’est pas le savoir. Alors que l’information correspond au temps immédiat de sa présentation, le savoir s’inscrit dans la durée de son appropriation. La première relève de la perception, de la pulsion. Le second nécessite une transformation et donc une action de l’apprenant : une individuation.

Le risque pourrait être que le temps court de la mise à disposition instantanée de l’information contredise le temps long de la constitution et du développement des savoirs et s’oppose à leur sublimation.

Il ne s’agit pourtant pas de rejeter le numérique au prétexte que son économie présente ces risques de court-circuitage. Ce serait jeter le bébé avec l’eau du bain. Le web 2.0, et certainement encore davantage les futurs développements à venir, offre cette innovation révolutionnaire de ne pas être seulement des médias de diffusion, mais de permettre une démarche contributive et coopérative. Cela conduit à la fois à multiplier les sources d’informations et à les inscrire dans une complémentarité. Mais également à élaborer collectivement des savoirs.

Une telle démarche influe doublement sur la relation aux savoirs. En modifiant, diversifiant, multipliant les contenus. En transformant les approches.
C’est donc l’Education, au sens large qui est concernée. Pas uniquement l’institution scolaire ou universitaire. Pas même seulement l’Education populaire, parentale, médiatique. Il s’agit d’une implication globale, culturelle, sociétale entrainant une nouvelle épistémologie, c’est-à-dire une nouvelle compréhension et un nouvel usage des évolutions de la technologie.

Dans ce cadre, l’Education est concernée au premier chef. Et l’Ecole en priorité.

En effet, les changements induits par cet apport du numérique nécessitent d’être pris en compte, développés, accompagnés. Mieux, il est indispensable d’éduquer à ces transformations. Non par des discours. Si la réflexion et l’approche théorique sont indispensables, elles n’ont ici de sens que dans leur mise en œuvre. Il s’agit donc de faire. Et d’intégrer au cœur des démarches d’apprentissage cette notion de travail contributif.

Il est loin le temps de l’élève passif et considéré comme ignorant recevant quotidiennement sa dose de connaissances généreusement dispensée par l’enseignant omniscient. Pour autant les expressions telles que « exposition au savoir » ou « instruction », comme la condamnation par une partie de la classe dirigeante du soi-disant « pédagogisme », montrent que le modèle d’une diffusion des connaissances uniquement verticale et du haut vers le bas est encore très prégnante. Autant peut-être, si ce n’est plus, dans la conception de l’institution et dans la représentation qui en est faite, que dans les pratiques quotidiennes d’une majorité d’équipes pédagogiques.

L’étiquette de l’innovation conduit parfois davantage à l’isolement qu’à la diffusion et la généralisation des expérimentations. Reconnaître ici un enseignant, là une équipe, ailleurs un établissement ou un territoire innovant les discrimine et les enferme dans une case qui les marginalise, sans forcément leur donner les moyens et les occasions de diffuser, partager, mutualiser leurs démarches.

La formation -et tout particulièrement celle des enseignants- est encore trop éloignée d’une véritable formation professionnelle, permettant de les outiller à intervenir pédagogiquement avec des démarches et des approches adaptées à chaque situation et à chaque public. Mieux à chaque enfant, à chaque forme d’intelligence et mode d’apprentissage.

La recherche en Education reste un parent pauvre de la recherche en France et elle est, trop souvent encore, déconnectée de la pratique du terrain. Insuffisamment mobilisée dans les ESPé, elle ne conduit pas assez -ou très difficilement- à des recherches-actions multi-partenariales impliquant l’ensemble des acteurs éducatifs, dont les élèves eux-mêmes, avec les équipes de recherche.

Les travaux menés dans le sens d’une meilleure compréhension des évolutions des rapports aux savoirs et de leur appropriation sont à saluer. Ils doivent former la base de la réflexion pour transformer progressivement les pratiques éducatives, rendre l’autonomie et la reconnaissance professionnelles aux éducateurs, empêcher que le monde marchand des éditeurs de supports et des diffuseurs d’informations n’impose ses règles et ses modes de pensées.

C’est en cela qu’il convient de saluer la mission confiée à François Taddéï sur la recherche en développement dans l’Education. Bien qu’arrivant très tardivement, à la fin d’un quinquennat qui aurait pu s’enorgueillir de mieux accompagner cette articulation entre recherche et pratiques éducatives, elle donnera des pistes incontournables pour l’évolution de l’Education de demain.

Dans la même logique, l’étude commanditée par le centre de recherche de l’UNSA Education et réalisée par l’IRI (Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou) sur « la production et la transmission des savoirs à l’ère du numérique et de l’économie de la contribution » inscrit la réflexion éducative dans une perspective d’avenir.

Certainement ce dont l’Education a le plus besoin.

 

Denis Adam, le 15 mars 2017