Devoir de mémoire et enjeu d’avenir


« Les larmes du passé fécondent l’avenir. »


Alfred de Musset (« Sur la naissance du comte de Paris », 23 août 1838)

Le 10 mai prochain, la France commémorera la traite, l’esclavage et leurs abolitions. Une journée pour se souvenir des atrocités commises au nom du racisme, pour réaffirmer les résultats de la science prouvant qu’il n’existe qu’une seule race humaine, pour rappeler avec force que nul ne peut être discriminé en raison de la couleur de sa peau ou du lieu où il est né.


Mais cette commémoration, si elle est un temps pour se rappeler et s’excuser d’un crime passé, est surtout un formidable appel à construire du vivre ensemble, à célébrer et à faire croitre « la liberté, l’égalité, la fraternité » comme il est écrit aux frontons de chacune de nos mairies.

Percevoir cette commémoration « comme étant un peu à la mode, dans le cadre d’une autoculpabilisation permanente, d’une culpabilisation systématique » comme le fait le nouveau maire FN de Villers-Cotterêts est   scandaleusement réducteur. Se justifier derrière le fait « que l’esclavage existe encore ailleurs dans le monde, malheureusement » pour ne pas en célébrer l’abolition est une erreur.


Certes en se réfugiant derrière le caractère non obligatoire de cette manifestation et en autorisant sa tenue sans la participation de la municipalité, le maire FN ne se met vraisemblablement pas dans l’illégalité. Sa timide condamnation de l’esclavage le range même du côté du politiquement correct. On sent bien qu’il ne faudrait pas forcément le pousser trop loin pour lui faire dire que lui au moins à l’honnêteté de dire tout haut, ce que font en silence des centaines d’élus (de droite et de gauche) souvent peu mobilisés sur cette question de l’esclavage (il n’y a qu’à constater pour s’en convaincre que la loi reconnaissant en France l’esclavage comme crime contre l’humanité ne date que de 2001 !).


Si erreur il y a  -et il y a erreur- elle est ailleurs et elle est triple :


– Tout d’abord parce que les territoires de la République, même décentralisée, ne peuvent faire leur marché entre les nobles causes et les autres et choisir leurs héros : célébrer ici Jeanne d’Arc et là Schleicher, réserver à Verdun le souvenir de la grande guerre et limiter à l’Outre-mer la commémoration de l’esclavage.


– Ensuite parce que –souvent avec une emphase moins romantique que la citation d’Alfred de Musset ouvrant cet article- tous les penseurs depuis l’Antiquité disent combien il est indispensable de connaître, de reconnaître le passé pour pouvoir construire l’avenir, non pour se complaire dans les regrets d’un idéal perdu ou se morfondre dans l’autoflagellation des fautes commises, mais pour être conscient du chemin parcouru, des risques de dérives, des éléments permettant de faire des choix d’évolution.


– Enfin, parce que l’idée même qu’il ne faudrait rien entreprendre dans des domaines sociaux et sociétaux qui posent encore soucis, conduirait à ne plus agir contre la pauvreté parce qu’il y a toujours des pauvres, de ne pas lutter contre la prostitution au prétexte que c’est le plus « vieux métier du monde »… Des arguments d’autant plus inacceptables que c’est justement dans ces domaines que seul un engagement permanent peut faire évoluer les mentalités et changer les choses.

De nombreuses démarches portées par l’école publique et par les associations citoyennes, d’éducation populaire, des droits humains, rappelleront au cours du mois de mai, l’abomination que fut l’esclavage et les conditions du véritable vivre ensemble.


C’est normal et cela est sain. Il en va de notre responsabilité d’éducateurs, de notre conception d’une société qui refusent et lutte contre toutes les discriminations,  de notre approche d’une éducation permanente à la citoyenneté.


N’est-ce pas là aussi la mission des élus, de tous les élus, qui en tant que représentants de la République se doivent d’être porteurs et garants de ce devoir de mémoire et de cet enjeu d’avenir ?
 

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« Les larmes du passé fécondent l’avenir. »


Alfred de Musset (« Sur la naissance du comte de Paris », 23 août 1838)

Le 10 mai prochain, la France commémorera la traite, l’esclavage et leurs abolitions. Une journée pour se souvenir des atrocités commises au nom du racisme, pour réaffirmer les résultats de la science prouvant qu’il n’existe qu’une seule race humaine, pour rappeler avec force que nul ne peut être discriminé en raison de la couleur de sa peau ou du lieu où il est né.


Mais cette commémoration, si elle est un temps pour se rappeler et s’excuser d’un crime passé, est surtout un formidable appel à construire du vivre ensemble, à célébrer et à faire croitre « la liberté, l’égalité, la fraternité » comme il est écrit aux frontons de chacune de nos mairies.

Percevoir cette commémoration « comme étant un peu à la mode, dans le cadre d’une autoculpabilisation permanente, d’une culpabilisation systématique » comme le fait le nouveau maire FN de Villers-Cotterêts est   scandaleusement réducteur. Se justifier derrière le fait « que l’esclavage existe encore ailleurs dans le monde, malheureusement » pour ne pas en célébrer l’abolition est une erreur.


Certes en se réfugiant derrière le caractère non obligatoire de cette manifestation et en autorisant sa tenue sans la participation de la municipalité, le maire FN ne se met vraisemblablement pas dans l’illégalité. Sa timide condamnation de l’esclavage le range même du côté du politiquement correct. On sent bien qu’il ne faudrait pas forcément le pousser trop loin pour lui faire dire que lui au moins à l’honnêteté de dire tout haut, ce que font en silence des centaines d’élus (de droite et de gauche) souvent peu mobilisés sur cette question de l’esclavage (il n’y a qu’à constater pour s’en convaincre que la loi reconnaissant en France l’esclavage comme crime contre l’humanité ne date que de 2001 !).


Si erreur il y a  -et il y a erreur- elle est ailleurs et elle est triple :


– Tout d’abord parce que les territoires de la République, même décentralisée, ne peuvent faire leur marché entre les nobles causes et les autres et choisir leurs héros : célébrer ici Jeanne d’Arc et là Schleicher, réserver à Verdun le souvenir de la grande guerre et limiter à l’Outre-mer la commémoration de l’esclavage.


– Ensuite parce que –souvent avec une emphase moins romantique que la citation d’Alfred de Musset ouvrant cet article- tous les penseurs depuis l’Antiquité disent combien il est indispensable de connaître, de reconnaître le passé pour pouvoir construire l’avenir, non pour se complaire dans les regrets d’un idéal perdu ou se morfondre dans l’autoflagellation des fautes commises, mais pour être conscient du chemin parcouru, des risques de dérives, des éléments permettant de faire des choix d’évolution.


– Enfin, parce que l’idée même qu’il ne faudrait rien entreprendre dans des domaines sociaux et sociétaux qui posent encore soucis, conduirait à ne plus agir contre la pauvreté parce qu’il y a toujours des pauvres, de ne pas lutter contre la prostitution au prétexte que c’est le plus « vieux métier du monde »… Des arguments d’autant plus inacceptables que c’est justement dans ces domaines que seul un engagement permanent peut faire évoluer les mentalités et changer les choses.

De nombreuses démarches portées par l’école publique et par les associations citoyennes, d’éducation populaire, des droits humains, rappelleront au cours du mois de mai, l’abomination que fut l’esclavage et les conditions du véritable vivre ensemble.


C’est normal et cela est sain. Il en va de notre responsabilité d’éducateurs, de notre conception d’une société qui refusent et lutte contre toutes les discriminations,  de notre approche d’une éducation permanente à la citoyenneté.


N’est-ce pas là aussi la mission des élus, de tous les élus, qui en tant que représentants de la République se doivent d’être porteurs et garants de ce devoir de mémoire et de cet enjeu d’avenir ?