Dérives sectaires et éducation : ce que nous dit le dernier rapport de la Miviludes

Les mineurs en première ligne
Selon le rapport de la Miviludes, 19 % des signalements reçus en 2023 et 2024 concernent des situations impliquant des mineurs. Cette proportion s’élève même à 39 % lorsqu’on inclut les signalements concernant des groupes d’enfants exposés collectivement à des pratiques problématiques.
Les mineurs peuvent être exposés à l’emprise :
- au sein de leur famille, lorsque les parents sont eux-mêmes sous influence,
- par des intervenants extérieurs, thérapeutes, éducateurs ou animateurs peu ou pas formés, souvent auto-proclamés,
- dans des structures éducatives, scolaires ou non, où certaines propositions séduisantes sur le bien-être ou le développement personnel servent de cheval de Troie à des pratiques non reconnues et parfois dangereuses.
La fragilité propre à l’enfance — dépendance affective et matérielle, construction de l’identité, quête de sens — rend les mineurs d’autant plus vulnérables s’ils sont exposés à des discours radicaux, des promesses de transformation personnelle ou des « solutions miracles ».
Le travail du CNAL cité dans le rapport
La Miviludes mentionne le travail du CNAL sur les écoles hors contrat mené en 2022, reconnaissant ainsi l’utilité de ce collectif dans la défense active de la laïcité à l’École. Pour l’UNSA Éducation, membre fondateur du CNAL, cette reconnaissance est essentielle : elle confirme la nécessité d’un engagement collectif, structuré et vigilant face aux atteintes au principe de neutralité, qu’elles prennent des formes assumées via l’enseignement hors contrat ou plus insidieuses à travers certaines pratiques éducatives ou propositions de partenaires extérieurs.
Le CNAL, en tant qu’espace de veille et de propositions, joue un rôle clé pour faire vivre une laïcité protectrice et émancipatrice dans tous les champs éducatifs.
L’École, mais aussi les centres de loisirs, les stages, les associations…
Même si la Miviludes insiste sur les dérives sectaires qui touchent l’espace scolaire : les centres de loisirs, camps de vacances, stages de développement personnel, accompagnements éducatifs ou périscolaires, ateliers bien-être ou encore coaching parental sont autant d’autres points d’entrée potentiels.
Les mouvements problématiques peuvent viser directement les enfants, ou d’abord leurs parents, en s’installant dans la sphère éducative via des discours rassurants et flatteurs : valorisation de l’enfant, méthodes alternatives, pédagogies « nouvelles », développement personnel, éducation « bienveillante »… Le tout sans cadre, sans contrôle et sans fondement scientifique, malgré souvent des allégations de “scientificité”.
Les personnels éducatifs, relais et cibles
Le rapport souligne que les personnels de l’éducation peuvent eux-mêmes être ciblés par les promoteurs de ces pratiques : formations floues ou pseudo-certifiantes, messages promettant des solutions miracles aux difficultés scolaires, offres orientées autour de la gestion du stress ou du bien-être au travail…
Sous couvert de répondre à des besoins bien réels (épuisement, surcharge, quête de sens, sentiment d’isolement professionnel), des individus, associations ou structures aux méthodes non reconnues cherchent à infiltrer le champ éducatif en séduisant les adultes pour mieux atteindre les enfants.
Or, tout professionnel en mal de repères peut être vulnérable, lui aussi, à une emprise progressive, surtout quand les discours adoptent les codes de l’innovation pédagogique, de la bienveillance éducative ou du développement personnel.
Il est donc essentiel de soutenir les personnels, de leur offrir des espaces de réflexion partagés et des formations solides, pour éviter qu’ils deviennent, le plus souvent malgré eux, des vecteurs de pratiques problématiques.
Des pratiques à risque de mieux en mieux identifiées
Le rapport évoque de façon non exhaustive des pratiques problématiques observées dans le cadre scolaire et éducatif, qui peuvent être porteuses de dérives, en particulier lorsqu’elles sont proposées par des intervenants non reconnus ou insuffisamment formés.
Voici les principales, avec les pages correspondantes du rapport :
- Méditation de pleine conscience (p. 106)
- Yoga (p. 106)
- Sophrologie (p. 106)
- Hypnose / hypnose ericksonienne (p. 106)
- PNL – Programmation neuro-linguistique (p. 106-107)
- Kinésiologie (p. 106)
- Ennéagramme (p. 107)
- Constellations familiales (p. 106)
- Bols chantants (p. 106)
- Massages entre enfants (p. 104)
- Communication non violente (CNV) (p. 124)
- Eurythmie Steiner-Waldorf (p. 103-104)
Des recommandations claires pour les établissements
La Miviludes invite les responsables d’établissements, enseignants, équipes périscolaires, parents délégués, mais aussi les responsables associatifs et collectivités locales, à une vigilance renforcée via ces bon réflexes :
- Vérifier les agréments et les diplômes des intervenants extérieurs,
- Analyser les objectifs, les méthodes et les coûts des interventions proposées,
- Refuser les pratiques non validées scientifiquement, même lorsqu’elles se présentent comme innovantes ou alternatives,
- Se méfier des discours séducteurs, promettant bien-être, performance ou transformation de l’enfant.
Vigilance, prévention et formation : un enjeu collectif
Les stratégies de pénétration des pseudothérapeutes dans le milieu scolaire, à travers des méthodes de communication et de valorisation sont très bien rodées. Ces acteurs cherchent d’abord à se doter d’une image d’honorabilité, en affichant sur leurs sites Internet des profils pseudo-scientifiques, sans fournir de références vérifiables. Ils jouent ensuite sur l’ambiguïté institutionnelle, en laissant croire à une reconnaissance officielle par l’Éducation nationale, alors que leurs formations ne sont ni certifiées ni validées par les pouvoirs publics. Enfin, ils s’appuient sur des techniques de séduction directe, ciblant les enseignants et les chefs d’établissement avec des promesses attractives telles que l’amélioration du climat scolaire ou la résolution des difficultés d’apprentissage. Ces mécanismes de communication sont autant de leviers pour instaurer une confiance trompeuse et faciliter leur entrée dans l’institution scolaire.
Le rapport appelle à une politique de formation ambitieuse pour tous les acteurs éducatifs, qu’ils soient enseignants, animateurs, formateurs, éducateurs spécialisés ou agents territoriaux. L’Unsa-Éducation partage pleinement ce besoin : face à des offres foisonnantes mais peu encadrées, les professionnels doivent être outillés pour discerner, questionner, refuser ou alerter.
L’avis de l’UNSA Éducation
Face à l’alerte lancée par la Miviludes, l’UNSA Éducation rappelle avec force que l’éducation des enfants et des jeunes est une responsabilité partagée, exigeant l’engagement de professionnels qualifiés et encadrés par des pratiques éducatives rigoureuses, reconnues et adossées à des savoirs validés.
Notre fédération se montre particulièrement vigilante quant à l’entrée, parfois insidieuse, de pratiques non reconnues dans l’univers scolaire et éducatif. Elle alerte sur les risques que font peser certaines approches pseudo-thérapeutiques ou pseudo-pédagogiques sur la santé psychique des enfants et l’intégrité des personnels.
Fidèle à ses valeurs humanistes et laïques, l’UNSA Éducation s’oppose fermement à toute tentative d’emprise — y compris sous couvert de bienveillance, de bien-être ou de développement personnel — dans le cadre des structures éducatives, formelles comme informelles.
Elle appelle à un renforcement des formations initiales et continues permettant aux personnels de faire face à ces dérives, à développer leur esprit critique, à identifier les pratiques à risque et à faire vivre le principe de laïcité comme rempart contre toute forme d’endoctrinement.
L’Éducation doit rester le lieu de l’émancipation, de la raison et de la connaissance partagée, jamais celui de l’influence ou de l’embrigadement.
Pour aller plus loin
📎 Rapport Miviludes 2022–2024
📺 Vidéo prévention Éducation
📘 Lire aussi : Club Zéro – un film sur l’emprise éducative