Complexe

Qu’écrire ce mercredi ? Il y a tant à dire. Tant à faire. Sortir des polémiques stériles, d’abord. Construire, enfin, l’Éducation de demain. Profiter des transports pour se plonger dans un livre. Celui que réédite Edgar Morin...

Qu’écrire ce mercredi ? Il y a tant à dire. Tant à faire. Sortir des polémiques stériles, d’abord. Construire, enfin, l’Éducation de demain.

Profiter des transports pour se plonger dans un livre. Celui que réédite Edgar Morin « avec la conviction qu’une réforme radicale de nos modes de connaissance et de pensée est devenue vitale et qu’elle doit entrainer un renouvellement en profondeur des matières enseignées », Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur (paru au Seuil en 2000, mais initialement publié par l’UNESCO en 1999 dans le cadre du projet transdisciplinaire « Éduquer pour un avenir viable »).

Et y lire que « l’esprit humain est, comme le disait H. Simon un GPS, « General Problems Setting and Solving » et que « contrairement à une opinion répandue, le développement des aptitudes générales de l’esprit permet d’autant mieux le développement des composantes particulières ou spécialisées. »

Redécouvrir que « la connaissance, en cherchant à se construire par référence au contexte, au global, au complexe, doit effectivement mobiliser ce que le connaissant sait du monde. »

Partager le constat que « l’éducation doit favoriser l’aptitude naturelle de l’esprit à poser et à résoudre les problèmes essentiels et corrélativement, stimuler le plein emploi de l’intelligence générale. Ce plein emploi nécessite le libre exercice de la curiosité, faculté la plus répandue et la plus vivante de l’enfance et de l’adolescence, que trop souvent l’instruction éteint et qu’il s’agit au contraire de stimuler ou, si elle dort, d’éveiller ».

Se dire ainsi que « des progrès gigantesques dans les connaissances ont été effectués dans le cadre des spécialisations disciplinaires au cours du XXème siècle. Mais ces progrès des connaissances ont suscité une régression de la connaissance, du fait justement de cette spécialisation qui souvent brise les contextes, les globalités, les complexités. De ce fait d’énormes obstacles se sont accumulés et ont empêché l’exercice de la connaissance pertinente, au sein de nos systèmes même d’enseignement.
Ceux-ci opèrent la disjonction entre les humanités et les sciences, ainsi que, au sein des sciences, la séparation en disciplines devenues hyperspécialisées, fermées sur elles-mêmes.
»

Et donc qu’ « ainsi les réalités globales et complexes ont été brisées : l’humain est disloqué… ». Que « les problèmes fondamentaux et les problèmes globaux sont évacués des sciences disciplinaires. » Et que « dans ces conditions, l’esprit formé par les disciplines perd son aptitude naturelle à contextualiser les savoirs, ainsi qu’à les intégrer dans leurs ensemble naturels. L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité (chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée), ainsi qu’à l’affaiblissement de la solidarité (chacun ne ressentant plus son lien avec ses concitoyens). »

Comprendre alors encore mieux pourquoi ce « découpage des disciplines rend incapable de saisir « ce qui est tissé ensemble » c’est-à-dire, selon le sens originel du terme, le complexe. »

Et constater que « comme notre éducation nous a appris à séparer, compartimenter, isoler et non relier les connaissances, l’ensemble de celles-ci constitue un puzzle inintelligible. » Ce qui nous conduit vers « une intelligence myope qui finit le plus souvent par être aveugle. »

Reste alors à se demander ce qu’il convient de faire. Le chercheur l’indique : « Il s’agit de remplacer une pensée qui sépare et qui réduit par une pensée qui distingue et qui relie. Il ne s’agit pas d’abandonner la connaissance des parties pour la connaissance des totalités, ni l’analyse pour la synthèse ; il faut les conjuguer. Il y a les défis de complexité auxquels les développements propres à notre ère planétaire nous confrontent inéluctablement. »

Surtout ne pas faire de raccourcis simplistes. Rappeler qu’Edgar Morin ne peut pas être caricaturé en dangereux pédagogiste, qu’il est difficile de l’accuser de vouloir baisser le niveau, impossible même de le ranger dans la catégorie des pseudo-intellectuels.

Se réjouir alors, que sans les mots du savant, nous ayons eu –et à beaucoup- l’intuition que les enjeux de l’Éducation dépassaient la seule exposition au savoir ; qu’il y avait un danger à s’enfermer dans le champ clos des disciplines, que la complexité du monde demandait une nouvelle approche éducative et que donc nous avions raison de défendre l’interdisciplinarité (au collège comme dans toute approche éducative)…sans complexes.

Denis ADAM, le 20 mai 2015

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Qu’écrire ce mercredi ? Il y a tant à dire. Tant à faire. Sortir des polémiques stériles, d’abord. Construire, enfin, l’Éducation de demain.

Profiter des transports pour se plonger dans un livre. Celui que réédite Edgar Morin « avec la conviction qu’une réforme radicale de nos modes de connaissance et de pensée est devenue vitale et qu’elle doit entrainer un renouvellement en profondeur des matières enseignées », Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur (paru au Seuil en 2000, mais initialement publié par l’UNESCO en 1999 dans le cadre du projet transdisciplinaire « Éduquer pour un avenir viable »).

Et y lire que « l’esprit humain est, comme le disait H. Simon un GPS, « General Problems Setting and Solving » et que « contrairement à une opinion répandue, le développement des aptitudes générales de l’esprit permet d’autant mieux le développement des composantes particulières ou spécialisées. »

Redécouvrir que « la connaissance, en cherchant à se construire par référence au contexte, au global, au complexe, doit effectivement mobiliser ce que le connaissant sait du monde. »

Partager le constat que « l’éducation doit favoriser l’aptitude naturelle de l’esprit à poser et à résoudre les problèmes essentiels et corrélativement, stimuler le plein emploi de l’intelligence générale. Ce plein emploi nécessite le libre exercice de la curiosité, faculté la plus répandue et la plus vivante de l’enfance et de l’adolescence, que trop souvent l’instruction éteint et qu’il s’agit au contraire de stimuler ou, si elle dort, d’éveiller ».

Se dire ainsi que « des progrès gigantesques dans les connaissances ont été effectués dans le cadre des spécialisations disciplinaires au cours du XXème siècle. Mais ces progrès des connaissances ont suscité une régression de la connaissance, du fait justement de cette spécialisation qui souvent brise les contextes, les globalités, les complexités. De ce fait d’énormes obstacles se sont accumulés et ont empêché l’exercice de la connaissance pertinente, au sein de nos systèmes même d’enseignement.
Ceux-ci opèrent la disjonction entre les humanités et les sciences, ainsi que, au sein des sciences, la séparation en disciplines devenues hyperspécialisées, fermées sur elles-mêmes.
»

Et donc qu’ « ainsi les réalités globales et complexes ont été brisées : l’humain est disloqué… ». Que « les problèmes fondamentaux et les problèmes globaux sont évacués des sciences disciplinaires. » Et que « dans ces conditions, l’esprit formé par les disciplines perd son aptitude naturelle à contextualiser les savoirs, ainsi qu’à les intégrer dans leurs ensemble naturels. L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité (chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée), ainsi qu’à l’affaiblissement de la solidarité (chacun ne ressentant plus son lien avec ses concitoyens). »

Comprendre alors encore mieux pourquoi ce « découpage des disciplines rend incapable de saisir « ce qui est tissé ensemble » c’est-à-dire, selon le sens originel du terme, le complexe. »

Et constater que « comme notre éducation nous a appris à séparer, compartimenter, isoler et non relier les connaissances, l’ensemble de celles-ci constitue un puzzle inintelligible. » Ce qui nous conduit vers « une intelligence myope qui finit le plus souvent par être aveugle. »

Reste alors à se demander ce qu’il convient de faire. Le chercheur l’indique : « Il s’agit de remplacer une pensée qui sépare et qui réduit par une pensée qui distingue et qui relie. Il ne s’agit pas d’abandonner la connaissance des parties pour la connaissance des totalités, ni l’analyse pour la synthèse ; il faut les conjuguer. Il y a les défis de complexité auxquels les développements propres à notre ère planétaire nous confrontent inéluctablement. »

Surtout ne pas faire de raccourcis simplistes. Rappeler qu’Edgar Morin ne peut pas être caricaturé en dangereux pédagogiste, qu’il est difficile de l’accuser de vouloir baisser le niveau, impossible même de le ranger dans la catégorie des pseudo-intellectuels.

Se réjouir alors, que sans les mots du savant, nous ayons eu –et à beaucoup- l’intuition que les enjeux de l’Éducation dépassaient la seule exposition au savoir ; qu’il y avait un danger à s’enfermer dans le champ clos des disciplines, que la complexité du monde demandait une nouvelle approche éducative et que donc nous avions raison de défendre l’interdisciplinarité (au collège comme dans toute approche éducative)…sans complexes.

Denis ADAM, le 20 mai 2015