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Comment lutter contre l’activisme violent ? Les 28 propositions d’un rapport parlementaire

Le point commun entre les groupuscules d’extrême-droite, les écologistes de Sainte Soline et les Gilets jaunes ? Pour Eric Poulliat (Renaissance) et Jérémie Iordanoff (EELV), rapporteurs de la mission d’information parlementaire, c’est l’activisme violent. Ils livrent, dans leur rapport, publié le 21 novembre 2023, un diagnostic intéressant basé sur de nombreuses auditions d’élu.es, policier.es, avocat.es etc. Ils proposent aussi 28 préconisations qui ne cachent pas leurs divergences : certaines d’entre-elles ne portent parfois qu’un seul nom. L’UNSA Éducation fait le point.

Une définition complexe

« La notion d’activisme est ici entendue comme un mode d’expression politique et social radical privilégiant l’action directe et revêtant une forme de dogmatisme ». Il ne s’agit ni de militantisme, qui vise l’engagement collectif général et ni du terrorisme qui ne cherche pas à convaincre mais à détruire. Les rapporteurs ajoutent que « l’activisme violent désigne le fait d’utiliser la violence comme registre d’action et moyen d’expression en vue d’établir politiquement la prééminence de son point de vue ou pour faire valoir ses revendications, en dehors du cadre légal et républicain »

Dès l’introduction, les points de vue divergent entre les deux parlementaires puisque Jérémie Iordanoff précise que, selon lui, les atteintes aux biens qui appartiennent au « registre du désordre et non à celui du danger », ne peuvent pas entrer dans le champ de la violence (ce que confirme d’ailleurs le droit pénal français). Éric Poulliat, à l’inverse, appelle « à ne pas sous-estimer la gravité des atteintes aux biens, qui ne sauraient être considérées comme de simples dommages matériels et constituent bel et bien une forme de violence ». Pour lui, il n’y a pas de violence légitime, quelles que soient les raisons du passage à l’acte.

Un constat qui interpelle

Les deux rapporteurs se mettent toutefois d’accord sur le fait que même si elle est plus visible, notamment sur les réseaux sociaux qui la mettent en scène et sur les chaînes d’info continue qui s’en repaissent pour garder leurs spectateurs, la violence est moins marquée qu’avant. Ils précisent aussi qu’elle est moindre que dans d’autres pays. Ainsi la France n’a pas eu à faire à la violence systémique comme l’Espagne avec l’ETA ou le Royaume Uni avec l’IRA. Elle y est donc plus sensible et ceci peut alors expliquer l’impression d’une violence plus grande qu’elle ne l’est réellement.

La violence existe néanmoins. Elle se nourrit de la défiance envers les institutions, du pessimisme ambiant, du manque de structures communes (syndicats, partis politiques, « Églises », etc.). Ceci se voit dans les votes : de plus en plus de nos compatriotes jugent que « voter ne sert à rien ». La violence apparaît alors comme le seul moyen d’action politique. Ainsi le rapport cite, par exemple, les chiffres en hausse des violences dont les élu.es sont victimes : elles sont passées de 1770 à 2265 entre 2021 et 2022.

Les deux parlementaires classent les activistes violents en cinq familles : les séparatistes, les religieux, les professionnels, les idéologistes et les sociétaux. Pour eux, ce sont les deux dernières qui représentent les principales menaces. En particulier l’idéologie de l’ultra-droite qui est celle qui s’attaque le plus aux personnes. On compte aujourd’hui 3300 personnes environ relevant de l’ultra-droite dont 1300 violents « fichées S ». Éric Pouillat, s’inquiète, aussi des risques que l’ultra-gauche (entre 2 et 3000 personnes), notamment si ses militants s’allient avec les activistes écologiques comme à Sainte Soline, pourraient faire courir à la France.

Des préconisations pour lutter contre l’activisme violent

Les rapporteurs le rappellent, « les outils dont disposent les pouvoirs publics pour faire face aux défis posés par les phénomènes d’activisme violent sont nombreux, s’inscrivant dans le cadre d’un arsenal bien étoffé qui, (…), est globalement robuste et suffisant. » Cela ne les empêche pas de proposer d’enrichir ledit arsenal afin d’améliorer la réponse aux violences.

On peut ainsi citer une série de proposition qui augmente les sanctions en cas de violence contre les élus (n°2) ou de participation à une manifestation interdite (n°10) ou encore la suspension temporaire possibles des activités d’un groupe violent (n°8). Ils préconisent aussi de renforcer la judiciarisation du renseignement (n°12) et de renforcer à l’école l’enseignement moral et civique avec un.e professeur.e dédié.e ainsi que l’éducation aux médias et à l’information (n°20 et 21).

Ils font des propositions osées sur les changements politiques nécessaires : « favoriser le débat démocratique en refondant toutes les institutions de la Ve République (mode de scrutin proportionnel aux élections législatives, déconnexion des législatives des présidentielles, (…), abaissement du seuil du référendum d’initiative partagé, etc. », n°24) et même d’abroger le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution (n°25). On peut aussi citer la proposition 28 qui envisage, sur le modèle du Défenseur des droits, (de) créer un Défenseur de l’environnement pour veiller à la préservation de l’environnement, disposant de prérogatives étendues ».

Enfin ils soulignent les investissements nécessaires, notamment pour garantir le financement pérenne des travaux de recherche sur les violences politiques et les activismes violents ou accroître les investissements en matière de recherche sur l’intelligence artificielle et ainsi garantir le développement de solutions françaises en matière de renseignement, sans dépendre d’outils étrangers (n°15 et 17). Ils insistent aussi sur l’importance de renforcer la recherche scientifique sur les phénomènes de désinformation et d’ingérences étrangères, afin de mieux les comprendre et de les combattre plus efficacement.

 

L’UNSA Éducation salue ce travail intéressant et étayé. Elle reconnaît nécessaire la lutte contre toute forme de violence qui ne doit jamais se substituer aux moyens légaux aussi légitime que soit la cause. Elle soutient donc les propositions faites autour de l’éducation aux médias et de la recherche. Il est, en effet, urgent que la société s’apaise.

Rapport parlementaire sur l’activisme violent

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