Au(x) ban(lieues) de notre société

2005 : deux morts et des semaines d’émeute… c’était tout juste il y a dix ans. Triste anniversaire aux accents de surenchère médiatique dans laquelle se mêlent souvenirs et mauvaise conscience : Et si rien n’avait changé ? Et si demain tout pouvait à nouveau s’embraser ?


2005 : deux morts et des semaines d’émeute… c’était tout juste il y a dix ans. Triste anniversaire aux accents de surenchère médiatique dans laquelle se mêlent souvenirs et mauvaise conscience : Et si rien n’avait changé ? Et si demain tout pouvait à nouveau s’embraser ?

1995, il y a vingt ans : passage à tabac d’un jeune par la police et nuit d’émeute… Mathieu Kassovitz met en scène la violence des banlieues et « La haine » qui s’y développe.

Si elle ne court plus dans la naïve frénésie du « métro, boulot, dodo » comme dans les années 1970 (Elles court, elle court la banlieue, film de 1973), elle devient le temps d’une commémoration le lieu de toutes les attentions…

« J’y pense et puis j’oublie. C’est la vie, c’est la vie » chantait Jacques Dutronc dans « Et moi et moi et moi » en 1966. Une chanson qui parle de chinois, de noirs, de gens imparfaits, de crève-la-faim… Rien à voir avec les banlieues… quoique…


Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’ajouter au pessimisme ambiant une nouvelle raison de désespérer. Contrairement à l’image négative généralement véhiculée, les banlieues sont souvent riches d’initiatives, de créativité, d’inventivité. Berceaux de métissages, elles se nourrissent de la diversité et construisent des solutions imaginatives.

Pour autant, l’angélisme ne peut servir de seule grille d’analyse. Premières zones touchées par les crises successives, elles subissent la discrimination, le manque de moyens, le poids des économies parallèles et la violence sous toutes ses formes.

Taux de mortalité infantile plus élevé, espérance de vie réduite, chômage galopant… ces maux sont, entre autres, ceux qui touchent les habitants des banlieues auxquels il faut ajouter l’échec scolaire, comme le dénonce Grand corps malade dans « Éducation nationale » :

« J’m’appelle Moussa, j’ai 10 ans, j’suis en CM2 à Épinay
Ville du 93 où j’ai grandi et où j’suis né
C’est pas d’ma faute à moi si j’ai moins de chance d’avoir le bac
C’est simplement parce que j’vis là, que mon avenir est un cul de sac. »

Avant de réclamer que les choses bougent :

« Alors continuons de dire aux p’tit frères que l’école est la solution
Et donnons-leur les bons outils pour leur avenir car attention
La réussite scolaire dans certaines zones pourrait rester un mystère
Et l’égalité des chances un concept de ministère

Alors si tout s’joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS
Ne laissons pas s’creuser l’fossé d’un enseignement à deux vitesses
Au milieu des tours il y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire
Ne laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires. »

L’École, l’Éducation ne peuvent pas tout. Ni éviter tous les débordements, ni résorber toutes les inégalités. Elles sont, pour autant, pour beaucoup la solution. Si elles savent restaurer le respect, la confiance en soi et dans l’autre, l’envie de vivre et de faire ensemble.

L’École de la réussite, qui prend en compte les progrès et les valorise, l’Éducation qui s’enrichit de toutes les mixités, l’enseignement qui s’appuie sur les savoirs acquis pour aller plus loin, les apprentissages qui mobilisent toutes les formes d’intelligence…

Tels sont les besoins impérieux de la banlieue…

Pour ne plus vivre en permanence enfermé dans l’échec, pour sortir des images négatives, pour ne plus être des territoires de relégation, pour ne plus être caractérisés par les faits divers, les émeutes, les violences, les morts pour rien et leurs anniversaires tout aussi inutiles.

Des actions ont débutées, mais l’essentiel reste à faire.

Transformer l’Éducation pour transformer les banlieues… et changer ces lieux au ban de la société en cœur de nos préoccupations, en territoires regagnés par le République, en laboratoire d’avenir multicolore.

Un enjeu qui mérite mieux qu’une commémoration tous les dix ans… une mobilisation de tous les jours.

 

Denis ADAM, le 28 octobre 2015

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2005 : deux morts et des semaines d’émeute… c’était tout juste il y a dix ans. Triste anniversaire aux accents de surenchère médiatique dans laquelle se mêlent souvenirs et mauvaise conscience : Et si rien n’avait changé ? Et si demain tout pouvait à nouveau s’embraser ?

1995, il y a vingt ans : passage à tabac d’un jeune par la police et nuit d’émeute… Mathieu Kassovitz met en scène la violence des banlieues et « La haine » qui s’y développe.

Si elle ne court plus dans la naïve frénésie du « métro, boulot, dodo » comme dans les années 1970 (Elles court, elle court la banlieue, film de 1973), elle devient le temps d’une commémoration le lieu de toutes les attentions…

« J’y pense et puis j’oublie. C’est la vie, c’est la vie » chantait Jacques Dutronc dans « Et moi et moi et moi » en 1966. Une chanson qui parle de chinois, de noirs, de gens imparfaits, de crève-la-faim… Rien à voir avec les banlieues… quoique…


Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’ajouter au pessimisme ambiant une nouvelle raison de désespérer. Contrairement à l’image négative généralement véhiculée, les banlieues sont souvent riches d’initiatives, de créativité, d’inventivité. Berceaux de métissages, elles se nourrissent de la diversité et construisent des solutions imaginatives.

Pour autant, l’angélisme ne peut servir de seule grille d’analyse. Premières zones touchées par les crises successives, elles subissent la discrimination, le manque de moyens, le poids des économies parallèles et la violence sous toutes ses formes.

Taux de mortalité infantile plus élevé, espérance de vie réduite, chômage galopant… ces maux sont, entre autres, ceux qui touchent les habitants des banlieues auxquels il faut ajouter l’échec scolaire, comme le dénonce Grand corps malade dans « Éducation nationale » :

« J’m’appelle Moussa, j’ai 10 ans, j’suis en CM2 à Épinay
Ville du 93 où j’ai grandi et où j’suis né
C’est pas d’ma faute à moi si j’ai moins de chance d’avoir le bac
C’est simplement parce que j’vis là, que mon avenir est un cul de sac. »

Avant de réclamer que les choses bougent :

« Alors continuons de dire aux p’tit frères que l’école est la solution
Et donnons-leur les bons outils pour leur avenir car attention
La réussite scolaire dans certaines zones pourrait rester un mystère
Et l’égalité des chances un concept de ministère

Alors si tout s’joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS
Ne laissons pas s’creuser l’fossé d’un enseignement à deux vitesses
Au milieu des tours il y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire
Ne laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires. »

L’École, l’Éducation ne peuvent pas tout. Ni éviter tous les débordements, ni résorber toutes les inégalités. Elles sont, pour autant, pour beaucoup la solution. Si elles savent restaurer le respect, la confiance en soi et dans l’autre, l’envie de vivre et de faire ensemble.

L’École de la réussite, qui prend en compte les progrès et les valorise, l’Éducation qui s’enrichit de toutes les mixités, l’enseignement qui s’appuie sur les savoirs acquis pour aller plus loin, les apprentissages qui mobilisent toutes les formes d’intelligence…

Tels sont les besoins impérieux de la banlieue…

Pour ne plus vivre en permanence enfermé dans l’échec, pour sortir des images négatives, pour ne plus être des territoires de relégation, pour ne plus être caractérisés par les faits divers, les émeutes, les violences, les morts pour rien et leurs anniversaires tout aussi inutiles.

Des actions ont débutées, mais l’essentiel reste à faire.

Transformer l’Éducation pour transformer les banlieues… et changer ces lieux au ban de la société en cœur de nos préoccupations, en territoires regagnés par le République, en laboratoire d’avenir multicolore.

Un enjeu qui mérite mieux qu’une commémoration tous les dix ans… une mobilisation de tous les jours.

 

Denis ADAM, le 28 octobre 2015