Nos dossiers

Attractivité des métiers de l’éducation : le salaire ne suffit pas, l’exemple bavarois

Notre partenaire allemand BLLV (Bayerischer Lehrer- und Lehrerinnenverband), première organisation syndicale dans le Land de Bavière, réalise un sondage annuellement auprès des directeurs et directrices d’écoles et chef·fes d’établissement. Au centre des questions cette année, la santé des personnels. Nous avons interviewé leur présidente Simone Fleischmann au sujet de leur proposition phare, la mise en place d'heures de supervision pour les enseignant·es, alors que cette organisation a obtenu récemment la création d'une médecine du travail spécifique dans l'éducation au sein du Land de Bavière.

UNSA Éducation : Chère Simone, merci de prendre le temps de nous répondre sur ce sujet qui intéresse beaucoup les personnels de l’éducation en France : la santé. D’après le sondage que vous avez réalisé (lien en allemand), les arrêts maladie sont en forte hausse chez les enseignant·es. Nous parlons aussi bien d’arrêt pour problème physique ou psychique. Partant de ce constat, vous demandez au ministère de l’éducation de mettre en place de la supervision. De quoi s’agit-il ?

Simone Fleischmann : Merci à vous de vous intéresser à notre sondage. Celui-ci est élaboré en préparation de la conférence des directeur·rices et chef·fes d’établissement du VBE (Verband Bildung & Erziehung) , notre fédération. Nous avons une vision fine de l’évolution inquiétante de la santé des personnels car les sondages sont annuels. Pour améliorer la santé mentale des enseignant·es, nous proposons la mise en place de la supervision. C’est une pratique habituelle dans les métiers relevant du social en Allemagne. Nous souhaitons que cela soit également le cas pour les métiers de l’éducation.

La supervision est un processus accompagné par un psychologue professionnel. Il s’agit de revenir en groupe sur sa pratique professionnelle d’enseignant·e. L’idée est qu’un groupe d’enseignant·es volontaires se réunit régulièrement. A chaque séance, un enseignant expose une situation. Le groupe réfléchit sur la situation décrite. Celle-ci est analysée de façon systématique. Des solutions sont élaborées conjointement. La supervision se différencie de la visite de classe par les pairs comme on la pratique régulièrement ici : les enseignant·es sont accompagné par un professionnel formé à la supervision.

Bien évidemment, cela devra se faire à la charge de l’employeur, sur le lieu d’exercice et pendant le temps de travail comme l’est la concertation aujourd’hui.

UE : Outre la supervision que vous revendiquez, vous avez obtenu la création d’une médecine du travail dédiée aux établissements scolaires. Il s’agit de l’AMIS (Arbeitsmedizinische Institut für Schulen ), institut pour la médecine du travail dans les établissements scolaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?

SF : Notre objectif avec la revendication obtenue de la création de cet institut était de délester les directeur·rices et chef·fes d’établissement des questions de la santé au travail. L’AMIS soutient et aide les personnels enseignants et encadrants sur ce sujet. Il s’agit d’un institut dépendant du ministère de la santé mais en relation étroite avec celui de l’éducation. Le site internet propose de nombreuses ressources pour les personnels comme de l’accompagnement, des guides, des offres en ligne comme des webinaires thématiques. Les mesures de reprise du travail après une longue maladie sont construites avec l’AMIS. Aussi les chef·fes d’établissement n’ont pas cette surcharge de travail pour laquelle ils ne sont pas formé·es. Le BLLV travaille conjointement avec l’AMIS dans le renforcement de l’offre et la promotion des actions. Nous organisons des événements communs.

Car rappelons que les chiffres sont accablants : il y a de plus en plus de personnels absents. La charge de travail augmente continuellement. De nombreux collègues sont en incapacité de travail. Ceux-ci sont alors souvent placés en retraite anticipée. Le bien-être et la santé au travail participent des enjeux de l’attractivité de nos métiers. Il convient de faire de la prévention pour de meilleures conditions de travail. L’enjeu de l’attractivité n’est pas tant de séduire les jeunes que de savoir garder celles et ceux qui ont choisi ce métier.

UE : Et rappelons que les questions de salaire ne sont pas les seules à être une explication du manque d’attractivité en France. Cette crise est mondiale (Notre article sur la pénurie mondiale d’enseignants). Nos intervenants au webinaire que nous avons organisé le 5 mai 2024 sur les politiques éducatives européennes ont également donné des exemples de pays répondant positivement au défi de l’attractivité comme la Corée du Sud, l’Irlande ou la Finlande. Les enseignant·es bavarois·es sont plutôt bien payé·es.

Crédits photo: BLLV

Sélectionnés pour vous
+ d’actualités nationales