Analyses et décryptages

Atteintes à la laïcité : analyser, agir, éduquer

L’horrible assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste a profondément marqué l’opinion et le monde scolaire : l’émotion et l’effroi se sont mêlés à de multiples questions qu’il faut essayer dorénavant de traiter avec lucidité, fermeté et détermination. Parmi celles-ci, certaines, non sans arrière-pensées, ont fait l’objet des gros titres des journaux ou de débats à la télévision : peut-on encore enseigner la laïcité à l’école ? Comment faire face à l’intolérance, à la haine et la violence ? Et si les enseignant·es avaient baissé les bras par habitude, peur, ou complaisance voire accommodement ? Beaucoup ont affirmé des faits sans réelle connaissance du terrain. C’est pourquoi il importe de partir des chiffres relatifs aux atteintes à la laïcité, d’essayer de les contextualiser, de voir s’il y a des imprécisions, puis de réussir à prévenir et sanctionner avec fermeté et justesse lorsque cela est nécessaire, sans perdre de vue les objectifs éducatifs. L’UNSA Éducation fait le point sur la difficile question des atteintes à la laïcité pour aller au-delà des chiffres.

On dispose de remontées chiffrées des équipes académiques « Valeurs de la république » depuis deux ans. Les violations de la minute de silence à Samuel Paty le 2 novembre ont également fait l’objet d’informations en provenance du MENJS. Par ailleurs, on possède plusieurs rapports de l’IGESR et des études de chercheur·es qui se sont penché·es sur cette question.

Un état des lieux en provenance des équipes académiques « Valeurs de la République »

Peu de temps avant la mort de Samuel Paty, le MENJS avait communiqué les chiffres annuels des atteintes à la laïcité à l’école. Depuis 2018, on a accès régulièrement au nombre de situations problématiques qui sont rapportées aux autorités. Cela se fait dans le cadre de ces structures académiques qui ont pour mission d’accompagner les équipes éducatives afin de prévenir de telles atteintes et de régler les situations conflictuelles. Pour la période allant de septembre 2019 à mars 2020, un recensement a été effectué : ce sont 935 cas qui ont été signalés et traités par l’administration. Ce chiffre est en légère baisse par rapport à la période précédente, mais le contexte sanitaire l’explique en partie. Six académies regroupent 53 % des faits, par ordre décroissant : Créteil, Grenoble, Normandie, Toulouse, Versailles, Nice.  On constate par ailleurs que ces atteintes sont faites avant tout au collège (45 % au total), un tiers dans le 1er degré et 20% en lycée.

Les données fournies précisent que pour 57 %, cela provient des élèves, 22% de la part des parents, et 12 % des personnels, le reste étant dans une catégorie peu claire (« autres »). Mais si on compare à l’année précédente, les atteintes venant des parents sont actuellement en augmentation.
Enfin, on dispose également des types d’atteinte :  il y a le port de signes et tenues à connotation religieuse, la contestation des enseignements, puis des actes, insultes ou faits de violence avec motifs religieux. On doit noter que dans le contexte de confinement, de tels faits ont pu se dérouler en « classe virtuelle » nécessitant depuis des dispositifs de sécurisation.

Des chiffres fiables 

Beaucoup de ces faits ont été traités au sein des établissements et des écoles, et ont été réglés par le dialogue. D’autres ont entraîné l’intervention des équipes académiques « Valeurs de la République » ; pour les actes les plus graves, des plaintes ont été déposées, nécessitant une coopération interministérielle en particulier dans les cas de radicalisation manifeste.

La mort de Samuel Paty a éclipsé ce bilan chiffré qui montrait une stagnation des atteintes à la laïcité. Beaucoup se sont interrogés sur la véracité de ces statistiques qui semblaient trop faibles par rapport au vécu des équipes sur le terrain et à l’actualité. La volonté de ne pas ébruiter les incidents, l’autocensure qui serait devenue la norme, ce sont autant d’explications qui ont été mentionnées pour expliquer que ces chiffres ne montraient pas la réalité. Pourtant, lorsqu’on se penche sur les données complémentaires disponibles ( sondages d’opinion, nombreux sur cette question, recherches scientifiques, contenus des enseignements et des programmes ) on se doit  de constater que l’école n’est pas en train de faillir dans sa mission d’enseigner la laïcité et de faire vivre au sein de la communauté éducative les valeurs de la République.

Dire cela, ce n’est pas nier qu’il faut agir avec lucidité et fermeté face aux atteintes. Les contestations de l’hommage à Samuel Paty ont renforcé la nécessité qu’il y a à s’emparer de cette question et d’en faire un enjeu éducatif essentiel.

Les contestations de l’hommage à Samuel Paty

La reprise du 2 novembre a été marqué dans tous les établissements scolaires par une minute de silence et un hommage à notre collègue assassiné. Il y a quelques jours, Jean-Michel Blanquer a indiqué qu’environ 400 contestations avaient eu lieu lors cet hommage. Plus précisément, ce sont des perturbations qui ont eu lieu dans des collèges (52 %) selon plusieurs degrés de gravité : il y a eu 160 refus de participer à la minute de silence, mais aussi 150 cas d’apologie du terrorisme et une centaine de cas plus graves encore avec menaces, violences et dégradations. Ces 400 violations en tout doivent être replacés dans le contexte plus large où 12 millions d’élèves ont participé à l’hommage le plus souvent de façon respectueuse et avec l’appui des équipes éducatives qui en ont fait un temps de recueillement, d’explications et d’enseignement.

Mais il ne faut pas les prendre à la légère cependant :  lorsque les réponses éducatives ne sont pas suffisantes, les sanctions sont légitimes et le recours aux autorités policières et judiciaires est nécessaire. C’est pourquoi il faut aussi laisser le temps à l’institution de considérer à sa juste valeur ces violations et de prendre les mesures adaptées. Dans certains cas, très minoritaires, ces atteintes montrent un endoctrinement qui nécessite des mesures extra-scolaires. Quatorze plaintes pour « apologie du terrorisme » ont ainsi été déposées, parfois à l’encontre de jeunes élèves. Il peut être difficile de tenir la ligne de crête entre fermeté et défense des droits de l’enfant, et il faut le faire sans tomber dans le « tout répressif » qui serait contreproductif et utiliser toutes les possibilités de l’arsenal juridique.

Mais aller au-delà des chiffres, c’est aussi s’emparer de ce sujet sous sa forme éducative. Dans ce domaine, le Vademecum « La laïcité à l’école » élaboré par le Conseil des sages de la laïcité (qui a été actualisé récemment) est un outil indispensable pour faire face à l’intolérance et à l’obscurantisme et pour apporter les réponses adaptées.  Les outils à disposition sont mentionnés dans l’article de l’UNSA Éducation « Surmonter l’effroi et se documenter pour éduquer ».

L’UNSA Éducation est attachée à la laïcité qui assure le droit à la liberté de conscience et doit garantir la liberté d’expression. Elle constitue une garantie d’égalité et d’émancipation de tous les individus. Nous demandons que tout·es les agent·es engagé·es dans une mission de service public puissent bénéficier d’une formation à la laïcité dans le cadre de la formation initiale et continue. Il est également essentiel d’enseigner ce principe à l’école.

Le Vademecum « la laïcité à l’école »
Surmonter l’effroi et se documenter pour éduquer
Sur le bilan en 2019 « Atteintes à la laïcité à l’école : aller au -delà des chiffres »
Interview d’Ismaïl Ferhat : « La laïcité à l’école aujourd’hui »

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On dispose de remontées chiffrées des équipes académiques « Valeurs de la république » depuis deux ans. Les violations de la minute de silence à Samuel Paty le 2 novembre ont également fait l’objet d’informations en provenance du MENJS. Par ailleurs, on possède plusieurs rapports de l’IGESR et des études de chercheur·es qui se sont penché·es sur cette question.

Un état des lieux en provenance des équipes académiques « Valeurs de la République »

Peu de temps avant la mort de Samuel Paty, le MENJS avait communiqué les chiffres annuels des atteintes à la laïcité à l’école. Depuis 2018, on a accès régulièrement au nombre de situations problématiques qui sont rapportées aux autorités. Cela se fait dans le cadre de ces structures académiques qui ont pour mission d’accompagner les équipes éducatives afin de prévenir de telles atteintes et de régler les situations conflictuelles. Pour la période allant de septembre 2019 à mars 2020, un recensement a été effectué : ce sont 935 cas qui ont été signalés et traités par l’administration. Ce chiffre est en légère baisse par rapport à la période précédente, mais le contexte sanitaire l’explique en partie. Six académies regroupent 53 % des faits, par ordre décroissant : Créteil, Grenoble, Normandie, Toulouse, Versailles, Nice.  On constate par ailleurs que ces atteintes sont faites avant tout au collège (45 % au total), un tiers dans le 1er degré et 20% en lycée.

Les données fournies précisent que pour 57 %, cela provient des élèves, 22% de la part des parents, et 12 % des personnels, le reste étant dans une catégorie peu claire (« autres »). Mais si on compare à l’année précédente, les atteintes venant des parents sont actuellement en augmentation.
Enfin, on dispose également des types d’atteinte :  il y a le port de signes et tenues à connotation religieuse, la contestation des enseignements, puis des actes, insultes ou faits de violence avec motifs religieux. On doit noter que dans le contexte de confinement, de tels faits ont pu se dérouler en « classe virtuelle » nécessitant depuis des dispositifs de sécurisation.

Des chiffres fiables 

Beaucoup de ces faits ont été traités au sein des établissements et des écoles, et ont été réglés par le dialogue. D’autres ont entraîné l’intervention des équipes académiques « Valeurs de la République » ; pour les actes les plus graves, des plaintes ont été déposées, nécessitant une coopération interministérielle en particulier dans les cas de radicalisation manifeste.

La mort de Samuel Paty a éclipsé ce bilan chiffré qui montrait une stagnation des atteintes à la laïcité. Beaucoup se sont interrogés sur la véracité de ces statistiques qui semblaient trop faibles par rapport au vécu des équipes sur le terrain et à l’actualité. La volonté de ne pas ébruiter les incidents, l’autocensure qui serait devenue la norme, ce sont autant d’explications qui ont été mentionnées pour expliquer que ces chiffres ne montraient pas la réalité. Pourtant, lorsqu’on se penche sur les données complémentaires disponibles ( sondages d’opinion, nombreux sur cette question, recherches scientifiques, contenus des enseignements et des programmes ) on se doit  de constater que l’école n’est pas en train de faillir dans sa mission d’enseigner la laïcité et de faire vivre au sein de la communauté éducative les valeurs de la République.

Dire cela, ce n’est pas nier qu’il faut agir avec lucidité et fermeté face aux atteintes. Les contestations de l’hommage à Samuel Paty ont renforcé la nécessité qu’il y a à s’emparer de cette question et d’en faire un enjeu éducatif essentiel.

Les contestations de l’hommage à Samuel Paty

La reprise du 2 novembre a été marqué dans tous les établissements scolaires par une minute de silence et un hommage à notre collègue assassiné. Il y a quelques jours, Jean-Michel Blanquer a indiqué qu’environ 400 contestations avaient eu lieu lors cet hommage. Plus précisément, ce sont des perturbations qui ont eu lieu dans des collèges (52 %) selon plusieurs degrés de gravité : il y a eu 160 refus de participer à la minute de silence, mais aussi 150 cas d’apologie du terrorisme et une centaine de cas plus graves encore avec menaces, violences et dégradations. Ces 400 violations en tout doivent être replacés dans le contexte plus large où 12 millions d’élèves ont participé à l’hommage le plus souvent de façon respectueuse et avec l’appui des équipes éducatives qui en ont fait un temps de recueillement, d’explications et d’enseignement.

Mais il ne faut pas les prendre à la légère cependant :  lorsque les réponses éducatives ne sont pas suffisantes, les sanctions sont légitimes et le recours aux autorités policières et judiciaires est nécessaire. C’est pourquoi il faut aussi laisser le temps à l’institution de considérer à sa juste valeur ces violations et de prendre les mesures adaptées. Dans certains cas, très minoritaires, ces atteintes montrent un endoctrinement qui nécessite des mesures extra-scolaires. Quatorze plaintes pour « apologie du terrorisme » ont ainsi été déposées, parfois à l’encontre de jeunes élèves. Il peut être difficile de tenir la ligne de crête entre fermeté et défense des droits de l’enfant, et il faut le faire sans tomber dans le « tout répressif » qui serait contreproductif et utiliser toutes les possibilités de l’arsenal juridique.

Mais aller au-delà des chiffres, c’est aussi s’emparer de ce sujet sous sa forme éducative. Dans ce domaine, le Vademecum « La laïcité à l’école » élaboré par le Conseil des sages de la laïcité (qui a été actualisé récemment) est un outil indispensable pour faire face à l’intolérance et à l’obscurantisme et pour apporter les réponses adaptées.  Les outils à disposition sont mentionnés dans l’article de l’UNSA Éducation « Surmonter l’effroi et se documenter pour éduquer ».

L’UNSA Éducation est attachée à la laïcité qui assure le droit à la liberté de conscience et doit garantir la liberté d’expression. Elle constitue une garantie d’égalité et d’émancipation de tous les individus. Nous demandons que tout·es les agent·es engagé·es dans une mission de service public puissent bénéficier d’une formation à la laïcité dans le cadre de la formation initiale et continue. Il est également essentiel d’enseigner ce principe à l’école.

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