A-t-on perdu le nord ? A-t-on perdu le peuple ?

On a beau s’y préparer et le redouter depuis longtemps, les scores du Front national au premier tour des élections régionales ne cessent d’interroger et d’inquiéter. Tous les analystes le répètent en boucle et à raison, ces résultats sont certes la marque indiscutable d’un échec des responsables et des stratégies politiques de gauche comme de droite, ils révèlent aussi l’incapacité de tous les opposants à l’extrême droite de faire entendre, comprendre leurs arguments et y faire adhérer un grand nombre de citoyens.

On a beau s’y préparer et le redouter depuis longtemps, les scores du Front national au premier tour des élections régionales ne cessent d’interroger et d’inquiéter.

Tous les analystes le répètent en boucle et à raison, ces résultats sont certes la marque indiscutable d’un échec des responsables et des stratégies politiques de gauche comme de droite, ils révèlent aussi l’incapacité de tous les opposants à l’extrême droite de faire entendre, comprendre leurs arguments et y faire adhérer un grand nombre de citoyens.

Une fois de plus, mais de manière encore accrue, il nous faut nous demander ce que, en tant qu’éducateurs, nous n’avons pas fait, loupé ou pas suffisamment fait.

Il ne s’agit bien évidemment pas de faire reposer – une fois de plus- la responsabilité sur l’Education et ses professionnels. L’échec de la lutte contre le chômage, les écarts sociaux grandissants, les « quartiers » vécus comme des zones de relégation et de ghettoïsation appellent, avant des solutions éducatives, des réponses sociales et politiques.

Le terrorisme qui tente d’imposer une crainte permanente, les drames internationaux et les catastrophes climatiques qui mettent des millions de migrants sur les routes, nécessitent des réponses urgentes qui dépassent le temps long de l’Education.

Tout cela contribue à faire monter le repli sur soi, la peur voire le rejet de l’autre et les simulacres de solutions courtermistes et populistes prônées par le front national.

Que pourrait donc y faire l’action éducative ?

Peu et beaucoup à la fois.

Constater d’abord les abandons que nous avons concédés et y remédier.

En effet, où est passée l’éducation permanente, l’éducation politique, l’éducation populaire ? Cette éducation qui affirme que la seule éducation des enfants ne peut suffire, qui pense qu’il n’est pas inné d’être citoyen et que le devenir demande un accompagnement, qui revendique que la parole de chacun doit être prise en compte, confrontée, débattue et non confisquée pour être remplacée par l’unique parole autorisée des experts patentés.

Où peut se construire l’esprit critique ? Quel sont les lieux, les temps, les propositions que permettent de se forger une opinion – non pas toute faite comme celles diffusées sans analyse par une partie des médias- mais construite dans l’échange et la confrontation, dans la rencontre entre plusieurs points de vue ? Où est passée l’éducation ouvrière, l’éducation critique, l’éducation de tous par tous au service de tous ?

A ne recevoir que des « leçons » de la part de ceux qui sont incapables de leurs proposer des solutions à leurs problèmes, à leurs angoisses, à leur vie du quotidien, nombre de gens sont confrontés à un choix qui n’en est pas un : voter FN (pour une minorité), s’abstenir (pour une majorité). Dans les deux cas, le résultat est le même, inexorablement, scrutin après scrutin, l’extrême droite progresse.

Inaugurées par de trop rares médias (dont médiapart) et reprises en urgence et trop tardivement dans les derniers jours de la campagne, les critiques du programme du FN ont enfin fait leurs apparitions, non plus sous l’angle moral (et moralisateur) mais de manière analytique en s’appuyant sur des données chiffrées, des comparaisons internationales, des rappels historiques… c’est nécessaire, tardif, mais surtout, il s’agit une fois de plus de la parole descendante des seuls spécialistes. Où est passé le peuple ?

Bien entendu, tout doit être entrepris dimanche, pour éviter l’arrivée du FN à la tête d’une région française. Il ne faut ni perdre le Nord, ni PACA, ni le Grand Est.

Mais après ?

Il nous faudra retrouver le peuple, lui rendre sa voix, son droit de dire et d’agir, la reconnaissance de sa capacité à comprendre, à proposer, à mettre en œuvre…

Cela aussi s’apprend. Dans les classes, dans les centres de loisirs, dans les clubs et les associations… Pour les adultes aussi. Dans l’espace public, dans les lieux de travail, dans les syndicats…

Retrouver le nord, c’est refaire peuple, c’est éduquer populaire.


 

Denis ADAM, le 09 décembre 2015

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On a beau s’y préparer et le redouter depuis longtemps, les scores du Front national au premier tour des élections régionales ne cessent d’interroger et d’inquiéter.

Tous les analystes le répètent en boucle et à raison, ces résultats sont certes la marque indiscutable d’un échec des responsables et des stratégies politiques de gauche comme de droite, ils révèlent aussi l’incapacité de tous les opposants à l’extrême droite de faire entendre, comprendre leurs arguments et y faire adhérer un grand nombre de citoyens.

Une fois de plus, mais de manière encore accrue, il nous faut nous demander ce que, en tant qu’éducateurs, nous n’avons pas fait, loupé ou pas suffisamment fait.

Il ne s’agit bien évidemment pas de faire reposer – une fois de plus- la responsabilité sur l’Education et ses professionnels. L’échec de la lutte contre le chômage, les écarts sociaux grandissants, les « quartiers » vécus comme des zones de relégation et de ghettoïsation appellent, avant des solutions éducatives, des réponses sociales et politiques.

Le terrorisme qui tente d’imposer une crainte permanente, les drames internationaux et les catastrophes climatiques qui mettent des millions de migrants sur les routes, nécessitent des réponses urgentes qui dépassent le temps long de l’Education.

Tout cela contribue à faire monter le repli sur soi, la peur voire le rejet de l’autre et les simulacres de solutions courtermistes et populistes prônées par le front national.

Que pourrait donc y faire l’action éducative ?

Peu et beaucoup à la fois.

Constater d’abord les abandons que nous avons concédés et y remédier.

En effet, où est passée l’éducation permanente, l’éducation politique, l’éducation populaire ? Cette éducation qui affirme que la seule éducation des enfants ne peut suffire, qui pense qu’il n’est pas inné d’être citoyen et que le devenir demande un accompagnement, qui revendique que la parole de chacun doit être prise en compte, confrontée, débattue et non confisquée pour être remplacée par l’unique parole autorisée des experts patentés.

Où peut se construire l’esprit critique ? Quel sont les lieux, les temps, les propositions que permettent de se forger une opinion – non pas toute faite comme celles diffusées sans analyse par une partie des médias- mais construite dans l’échange et la confrontation, dans la rencontre entre plusieurs points de vue ? Où est passée l’éducation ouvrière, l’éducation critique, l’éducation de tous par tous au service de tous ?

A ne recevoir que des « leçons » de la part de ceux qui sont incapables de leurs proposer des solutions à leurs problèmes, à leurs angoisses, à leur vie du quotidien, nombre de gens sont confrontés à un choix qui n’en est pas un : voter FN (pour une minorité), s’abstenir (pour une majorité). Dans les deux cas, le résultat est le même, inexorablement, scrutin après scrutin, l’extrême droite progresse.

Inaugurées par de trop rares médias (dont médiapart) et reprises en urgence et trop tardivement dans les derniers jours de la campagne, les critiques du programme du FN ont enfin fait leurs apparitions, non plus sous l’angle moral (et moralisateur) mais de manière analytique en s’appuyant sur des données chiffrées, des comparaisons internationales, des rappels historiques… c’est nécessaire, tardif, mais surtout, il s’agit une fois de plus de la parole descendante des seuls spécialistes. Où est passé le peuple ?

Bien entendu, tout doit être entrepris dimanche, pour éviter l’arrivée du FN à la tête d’une région française. Il ne faut ni perdre le Nord, ni PACA, ni le Grand Est.

Mais après ?

Il nous faudra retrouver le peuple, lui rendre sa voix, son droit de dire et d’agir, la reconnaissance de sa capacité à comprendre, à proposer, à mettre en œuvre…

Cela aussi s’apprend. Dans les classes, dans les centres de loisirs, dans les clubs et les associations… Pour les adultes aussi. Dans l’espace public, dans les lieux de travail, dans les syndicats…

Retrouver le nord, c’est refaire peuple, c’est éduquer populaire.


 

Denis ADAM, le 09 décembre 2015