Les proviseurs et principaux crient leur mal-être

Réuni·e·s à Grenoble en conférence de presse, plusieurs chefs d’établissements, venu·e·s de toute l’académie, ont insisté sur la dégradation de leurs conditions de travail, entraînant une multiplication des arrêts pour burn-out.

Ils ne prennent que très rarement la parole, mettant habituellement en avant leur devoir de réserve et leur loyauté envers l’Éducation nationale. En trente ans, ils n’ont d’ailleurs manifesté que « deux fois ». « Et c’était deux dimanches ! », souligne Michael Vidaud, membre de l’exécutif syndical national du SNPDEN-Unsa (Syndicat national des personnels de l’Éducation nationale). Mais cette fois, « les choses sont trop douloureuses », lance Patrick Fuertes, secrétaire académique du syndicat.

S’appuyant sur une enquête nationale réalisée auprès 4 400 membres de direction du secondaire, le SNPDEN-Unsa Grenoble affirme que 92 % d’entre eux « déplorent une dégradation de leurs conditions de travail » et que « 80 % déclarent une perte de confiance dans l’institution ». Parmi les raisons de cette crise, « un environnement numérique stressant », une gestion de personnel de plus en plus en difficile avec plus de contractuels et moins de titulaires et une « communication ministérielle problématique ».

« On nous demande de gérer des choses qui ne devraient pas faire partie du travail des chefs d’établissements. Des tâches qui auparavant étaient effectuées par le rectorat sont transférées petit à petit », détaille Patrick Fuertes. Et de prendre pour exemple l’obligation d’utiliser des « logiciels dysfonctionnels et chronophages » pour les absences, la paye… « Il faut par exemple quatorze logiciels pour gérer un seul enseignant et ils ne communiquent pas entre eux », s’indigne-t-il.

Les chefs d’établissement dénoncent aussi une « organisation de la réforme du bac complètement ahurissante », « sans anticipation » de la part du Ministère. « Vous avez des proviseurs qui se sont retrouvés à scanner des copies la nuit », compte tenu la lenteur du procédé, indique Patrick Fuertes. « Beaucoup de choses inhérentes à l’organisation pratique des épreuves n’ont pas été anticipées » , poursuit l’une de ses collègues de Haute-Savoie. « On a tous choisi ce métier. C’est un métier que l’on aime, commente Odile Baussart, proviseure d’un lycée ardéchois. Mais la charge de travail s’est tellement intensifiée depuis une dizaine d’années que l’on n’en peut plus. On passe 80 % de notre temps à faire de l’administratif. La pédagogie et le relationnel avec les enseignants passent forcément au second plan. »

La crise sanitaire n’a évidemment rien arrangé à la situation « avec une anticipation moindre » et une « communication déplorable » de la part du Ministère, selon les personnels de direction. « On découvre la veille, sur les chaînes d’info ou dans le journal, ce qui va être notre travail le lendemain. BFMTV remplace les circulaires académiques », ironise Patrick Fuertes. Et de citer l’hommage à Samuel Paty : « On a su une semaine à l’avance que l’on devait organiser quelque chose avec les élèves ».

S’ils osent réagir aujourd’hui, c’est parce que ces chefs d’établissements constatent jour après jour les conséquences que cette charge importante de travail provoque chez certains d’entre eux : « Il y a beaucoup de collègues dans l’académie de Grenoble qui sont en burn-out ou qui sont en hôpital psychiatrique », insiste le secrétaire académique. « Le nombre est proche de 1 sur 6 », acquiesce Odile Baussart. « Il est hors de question que cela continue, que des collègues mettent leur vie en danger pour quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas », conclut Patrick Fuertes.

Patrick Fuertes, secrétaire académique du SNPDEN

(article Le Dauphiné – 04 décembre 2021)