[Bordeaux] Langues régionales : un engagement à renforcer pour préserver la diversité linguistique dans le service public

Le 3 décembre 2025, l’Unsa Éducation a réaffirmé, devant le Comité Académique des Langues Régionales (CALR), son attachement indéfectible à l’enseignement des et en langues régionales dans le service public. Quatre ans après la promulgation de la loi Molac, le bilan reste contrasté : si les effectifs scolaires progressent, la part des élèves concernés reste marginale, et les défis structurels persistent. À l’heure où les langues régionales dépendent plus que jamais de l’école pour leur survie, il est urgent d’agir pour garantir un enseignement de qualité, une formation adaptée des enseignants, et une continuité pédagogique du primaire au secondaire.

Un bilan contrasté : des avancées insuffisantes

La loi Molac avait suscité de grands espoirs pour la revitalisation des langues régionales. Pourtant, le rapport de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport dresse un constat alarmant : malgré une légère hausse des effectifs, les langues régionales restent menacées. En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, les élèves bilingues en occitan ne représentent que 1 % des effectifs du premier degré public (1,18 % en incluant tous les dispositifs), et moins de 1 % dans le secondaire. Ces chiffres, bien que encourageants dans leur progression, sont insuffisants face à l’urgence de transmettre ces langues aux nouvelles générations.

L’investissement de l’Éducation nationale en moyens humains est réel, mais son efficacité est remise en question : des enseignants formés via le dispositif « Ensenhar » se retrouvent sans poste, des postes POP (Postes à Profil) sont fermés malgré l’engagement d’enseignants bilingues, et les conditions d’enseignement en multi-niveaux épuisent les équipes. Ces dysfonctionnements interrogent la gestion des ressources et appellent à une meilleure anticipation des besoins.

 

La formation des enseignants : une priorité à réinvestir

La qualité de l’enseignement des langues régionales passe par une formation continue adaptée. Pourtant, l’offre de formation pour les enseignants bilingues en occitan se raréfie, se limitant souvent à quelques heures ou une journée par département. À l’inverse, les collègues enseignant en basque bénéficient parfois d’adaptations ministérielles en français et mathématiques, spécifiques à l’enseignement bilingue. Cette iniquité, sur un même territoire académique, est incompréhensible et injustifiable.

La situation du Cap’oc (Centre Académique pour l’Occitan) illustre ces tensions : recentré sur des missions d’édition, il ne peut plus assurer sa mission historique de formation, alors même que Réseau Canopé, au niveau national, se recentre sur la formation. Ce choix politique et financier inquiète les enseignants, qui s’interrogent sur la pérennité du Cap’oc et sur leur capacité à enseigner dans de bonnes conditions. L’Unsa Éducation demande des garanties claires sur l’avenir de cette structure essentielle.

 

Assurer la continuité pédagogique : un enjeu clé

La rupture entre le primaire et le secondaire reste un obstacle majeur à la pérennisation des langues régionales. Dans le basque, la baisse des effectifs à l’entrée au collège est significative. Plusieurs hypothèses expliquent ce phénomène : la crainte des parents de ne pas pouvoir accompagner leurs enfants dans une scolarité bilingue, ou la difficulté à cumuler les options. Pour inverser cette tendance, un travail de sensibilisation doit être mené dès le cycle 3, auprès des élèves et des familles.

En occitan, l’enquête de l’OPLO (Office Public de la Langue Occitane) révèle que la continuité école-collège est plus effective lorsque l’exposition à la langue est forte en primaire (bilingue ou immersif). Cela confirme que la demande existe, mais que l’offre doit être renforcée. L’Unsa Éducation insiste sur la nécessité de créer des Disciplines Non Linguistiques (DNL) dans le secondaire, pour permettre aux élèves de poursuivre leur cursus bilingue. La disparition des 20 points de bonification pour les langues vivantes régionales au nouveau DNB est, à cet égard, une mauvaise nouvelle, qui risque de décourager les familles et les élèves.

 

Des propositions concrètes pour avancer Face à ces constats, l’Unsa Éducation formule plusieurs propositions :

  • Anticiper les besoins en postes : garantir un retour en poste aux enseignants formés et éviter la fermeture de postes POP.
  • Améliorer les conditions d’enseignement : ouvrir des postes ou demi-postes pour dédoubler les classes bilingues à effectifs élevés, et limiter les situations de multi-niveaux épuisantes.
  • Renforcer la formation continue : rétablir une offre de formation spécifique et équitable pour tous les enseignants bilingues, quel que soit leur territoire.
  • Garantir la pérennité du Cap’oc : lui donner les moyens de jouer pleinement son rôle dans la formation et l’accompagnement des enseignants.
  • Sensibiliser les familles : mener un travail d’information et d’accompagnement dès le cycle 3, pour lever les freins à la continuité école-collège.
  • Créer des DNL dans le secondaire : anticiper la montée des cohortes et diversifier l’offre linguistique pour assurer la poursuite des cursus bilingues.

 

Les langues régionales sont un patrimoine vivant, un vecteur de diversité culturelle et un levier d’inclusion pour tous les élèves. Leur enseignement dans le service public est une mission essentielle, mais elle ne pourra être menée à bien sans une volonté politique forte, des moyens adaptés et une écoute attentive des besoins des enseignants et des familles. L’Unsa Éducation restera vigilante et mobilisée pour que ces langues, porteuses d’histoire et d’avenir, trouvent toute leur place dans l’école de la République.