Scandale Bétharram : le « MeToo de l’enseignement privé catholique »

C’est comme une déflagration. Des abus sexuels et violences auraient été commis depuis les années 1950 et jusque dans les années 2010 sur des élèves de l’établissement. Ils sont dénoncés à la justice en 2024 par plus d’une centaine de plaignants, donnant lieu à une enquête préliminaire du parquet de Pau. Malgré la résonance médiatique et politique de l’affaire grâce au travail de Mediapart, le Premier ministre, François Bayrou, adressait une fin de non-recevoir, dénonçant une machination… Ces derniers jours, les lignes semblent bouger et des choses se mettent enfin en place. Désormais, il faut que les discussions aboutissent à des actes et des procédures contraignantes de contrôle des établissements privés.
La reconnaissance d’un « MeToo » de l’enseignement privé catholique
Depuis octobre 2023, un collectif d’anciens élèves a réussi à libérer la parole et dévoiler ainsi le climat de terreur imposé par l’établissement privé pendant des décennies. Comptant aujourd’hui 2 000 membres, 180 plaintes ont d’ores et déjà été déposées devant le parquet de Pau pour des violences physiques, des viols et des agressions sexuelles.
Dans le sillage du scandale Bétharram, d’autres établissements scolaires sont récemment sortis du silence. On assiste au lancement d’un véritable « MeToo scolaire » selon la ministre de l’Éducation. C’est en réalité un « MeToo de l’enseignement privé catholique ».
En effet, madame Borne propose la mise en place d’un plan de lutte contre les violences à l’école visant à renforcer les contrôles dans les établissements privés sous contrat (notamment en faisant remonter de manière systématique les faits de violence) ; ce qui n’est pas les cas actuellement, contrairement aux déclarations du Secrétaire Général de l’enseignement catholique.
Cela prouve, s’il en était besoin, à quel point le mal est profond dans l’enseignement privé catholique imprégné par des décennies d’idéologie éducative d’un autre âge pour ce qui relève du traitement et de la considération des jeunes. Bien entendu, tous les établissements privés ne tombent pas dans ces dérives insupportables mais c’est tout un système qu’il faut revoir et surtout contrôler davantage. Le « caractère propre » ne peut être un bouclier protecteur pour un enseignement privé sous contrat qui doit se conformer à la loi, aux programmes nationaux et aux valeurs républicaines.
Conformément à ses mandats et dans le cadre du Comité National d’Action Laïque, l’UNSA Éducation exige des décisions fermes et des procédures de contrôle claires. Ces mesures ne seront efficaces qu’à condition d’être contraignantes.
Les pouvoirs publics ne peuvent avoir la main qui tremble quand il s’agit de respecter le contrat d’association concernant des atteintes aussi graves aux valeurs de la République. Les contrats d’autres établissements privés ont été résiliés récemment, preuve que la volonté politique peut s’exprimer quand elle le souhaite. Il s’agit simplement de se conformer à l’éthique, aux textes réglementaires et au code de l’éducation en particulier.
La mise en place d’une commission d’enquête parlementaire
Les députés Paul Vannier et Violette Spillebout sont co-rapporteurs de cette commission qui s’étalera sur six mois et qui consacrera deux mois au travail d’enquête.
Jeudi 20 mars, huit représentants de collectifs de victimes ont été auditionnés par la commission « sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires ».
Si la commission a été montée après les révélations de Notre-Dame de Bétharram, « le périmètre de la commission d’enquête, ce sont tous les établissements scolaires de France, privés, privés sous contrat, privés hors contrat », précisait Paul Vannier la semaine dernière.
Les auditions menées par la commission vont se dérouler en trois phases.
- Depuis le 20 mars, on recueille la parole des victimes, notamment celle de leur porte-parole et celle du président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.
- Dans un second temps, les administrations de l’État, les institutions religieuses et des chercheurs seront écoutés afin de comprendre les défaillances et les manquements dans les affaires de violences à l’école. Il s’agira de reconstituer les conditions de création de cette scandaleuse omerta.
- Enfin, la commission auditionnera des responsables politiques, au mois de mai probablement : la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne ainsi que certains de ces prédécesseurs comme Ségolène Royal, ministre déléguée à l’Enseignement scolaire de 1997 à 2000. Le très attendu François Bayrou s’est engagé à répondre à la convocation.
Pour l’UNSA Éducation, cette démarche inédite doit permettre de libérer la parole et de prendre en considération le statut de victimes frappées jusqu’ici par une sorte de double peine.
Cette commission doit mettre en lumière les dysfonctionnements graves de l’enseignement privé catholique afin de le contrôler efficacement et d’en finir avec une idéologie passéiste de l’éducation qui a encore trop souvent cours dans ces établissements.
C’est enfin une réflexion plus globale sur le sort que nous réservons à nos jeunes qui doit ressortir des débats. Ils doivent pouvoir retrouver confiance dans un lieu censé les protéger et permettre leur épanouissement.
Plus que jamais, l’École publique laïque aura tout son rôle à jouer dans la reconstruction du lien de confiance avec l’opinion et surtout dans la promotion d’une éducation inclusive qui ne trie pas, qui ne dénigre pas et qui vise l’émancipation de tous et toutes.