Analyses et décryptages

L’IA au service de l’adaptation climatique, mirage ou bonne idée ?

Face à l’urgence climatique, le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique 3 (PNACC3) publié le 10 mars dernier, met en avant un levier technologique majeur : l’intelligence artificielle. À travers diverses mesures, le document détaille comment l’IA pourrait être mobilisée pour anticiper les phénomènes climatiques extrêmes, optimiser la gestion des territoires et renforcer les stratégies de résilience. Cependant, la mise en œuvre de ces ambitions pose de nombreuses questions, notamment en termes de moyens, de formation et d’éthique.

Des ambitions affichées : l’IA pour une meilleure anticipation et gestion des risques climatiques

Le PNACC3 souligne plusieurs applications de l’IA visant à renforcer l’adaptation des territoires :

  • Prévisions climatiques améliorées : anticipation des canicules, feux de forêts et inondations grâce à des modèles IA analysant les données environnementales en temps réel.
  • Surveillance des risques côtiers : suivi de l’érosion du littoral et du risque de submersion marine à l’aide de caméras et d’algorithmes de traitement d’images.
  • Lutte contre les îlots de chaleur urbains : analyse des données thermiques des villes pour prioriser les actions de renaturation et optimiser la végétalisation des espaces.
  • Gestion optimisée des ressources naturelles : cartographie des forêts pour identifier les essences les plus vulnérables aux changements climatiques.

Un programme de financement d’IA frugales, conformes au référentiel Ecolab, a été lancé pour soutenir ces innovations. L’objectif est de permettre aux collectivités, entreprises et laboratoires de recherche de développer des outils opérationnels et réplicables à grande échelle.

Conditions de mise en œuvre : entre promesses technologiques et défis structurels

Si ces propositions sont séduisantes sur le papier, leur concrétisation repose sur plusieurs conditions essentielles :

  • Des financements à la hauteur des ambitions
    L’appel à projets « Adaptation x Transition écologique » est une première étape, mais son impact dépendra des moyens réellement alloués. La mise en place d’infrastructures IA, la collecte et le traitement des données nécessitent des investissements lourds que les collectivités ne pourront pas assumer seules.
  • Une formation des acteurs de terrain
    L’efficacité de l’IA ne dépend pas seulement des algorithmes, mais aussi des compétences des agents publics et des élus qui devront en piloter l’usage. Or, le PNACC3 souligne la nécessité d’une « acculturation à l’IA » des administrations territoriales, sans préciser les moyens concrets pour y parvenir.
  • L’enjeu de la transparence et de l’éthique
    L’utilisation de l’IA dans la gestion des territoires pose des questions de gouvernance et d’éthique : qui contrôle les modèles et les données ? Quelle transparence sur les décisions automatisées ? Comment garantir une IA au service de l’intérêt général et non des seuls intérêts économiques des entreprises qui la développent ?

Des limites à ne pas ignorer

Si l’IA peut être un formidable outil pour anticiper les risques climatiques, elle ne constitue en aucun cas une solution miracle.

Son efficacité sera conditionnée par :

  • La qualité et la diversité des données : les modèles IA sont bons si les données qu’on leur fournit sont conséquentes et de qualité. Or, certaines zones manquent encore de capteurs et d’infrastructures de mesure fiables.
  • Le risque de fracture numérique territoriale : tous les territoires n’ont pas les mêmes capacités d’innovation. Un risque existe que les grandes métropoles captent l’essentiel des financements, laissant les zones rurales ou ultra-marines en retrait.
  • La nécessaire complémentarité avec les savoir-faire humains : l’IA ne doit pas se substituer à l’expertise des professionnels de terrain (urbanistes, climatologues, forestiers…). Une hybridation pertinente entre IA et intelligence humaine est indispensable.

Conclusion : un outil à cadrer pour éviter les illusions

Le PNACC3 mise sur l’IA comme un levier structurant pour adapter les territoires au changement climatique. Si l’intention est louable, les conditions de mise en œuvre restent floues et les défis nombreux.
Pour éviter que cette stratégie ne se transforme en un technosolutionnisme illusoire, il est impératif d’accompagner ces innovations d’un cadre rigoureux : financements pérennes, formations adaptées et transparence démocratique.

L’IA, loin d’être une solution magique, doit être un outil au service d’une politique climatique ambitieuse et juste, qui place les intérêts des populations et des territoires, en priorisant les plus fragiles, au cœur de ses actions.

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