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Lettonie : Combats et victoires syndicales dans l’éducation

Le Syndicat letton des employés de l'éducation et des sciences (LIZDA) est le seul syndicat en Lettonie qui représente les employés du secteur de l'éducation, des enseignants du préscolaire aux professeurs d'université et aux chercheurs. Comme l’UNSA Education, il fait partie du Comité Syndical Européen de l’éducation. Un point sur l’actualité syndicale dans ce pays balte situé entre Estonie, Russie et Lituanie avec une interview d’Irina Avdejeva, vice-présidente du syndicat LIZDA.

Unsa éducation : Comment les professions de l’enseignement, leurs salaires et leurs conditions de travail sont-elles réglementées en Lettonie ? Et quels combats syndicaux avez-vous mené sur ces sujets?

Irina Avdejeva: Au cours des cinq dernières années, nous avons organisé six actions de protestation : quatre piquets de grève, une grève et une marche. Au total, 56 596 employés du secteur de l’éducation ont participé à ces actions. Nous avons obtenu une augmentation significative des salaires pour tous les employés du secteur, allant de 58 % à 108 %. La plus forte augmentation a été celle des enseignants du préscolaire : de 750 € en 2020 à 1 566 € en 2025. Auparavant, les enseignants du préscolaire avaient un salaire minimum inférieur à celui des autres enseignants.

La LIZDA a déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle de Lettonie concernant l’inégalité de la charge de travail et de la rémunération des enseignants du préscolaire. La Cour constitutionnelle a reconnu que, compte tenu des compétences, des responsabilités et des conditions de travail requises pour l’enseignement préscolaire, les différences par rapport aux enseignants des autres niveaux d’enseignement n’étaient pas justifiées. La Cour a souligné que le travail de tous les éducateurs, quel que soit le niveau d’enseignement, sert le même objectif général : garantir une éducation générale de qualité, et que les compétences, les responsabilités et les conditions de travail requises sont comparables.
La Cour constitutionnelle a statué qu’à partir du 1er janvier 2024, tous les enseignants doivent percevoir le même salaire minimum. Actuellement, le salaire minimum pour une charge de travail à temps plein (40 heures par semaine) est de 1 566 €.

Une autre revendication majeure lors des actions de protestation était l’équilibrage de la charge de travail des enseignants. Depuis 2016, aucun nombre spécifique d’heures d’enseignement n’avait été fixé dans le cadre de la charge de travail, ce qui entraînait une surcharge de travail, un épuisement professionnel et des problèmes de postes vacants, les enseignants en poste devant couvrir des heures d’enseignement supplémentaires. Nous avons désormais veillé à ce que, par exemple, les enseignants de l’enseignement général ne consacrent pas plus de 65 % de leur charge de travail à l’enseignement et au moins 35 % à d’autres tâches.

La profession enseignante en Lettonie est régie par plusieurs textes législatifs qui définissent les exigences en matière de qualification, le développement professionnel obligatoire, les responsabilités et les droits. Les principaux textes législatifs sont les suivants :

Le salaire minimum et la charge de travail des enseignants sont déterminés par les règlements du Conseil des ministres.

UE: Selon LIZDA, quels sont les principaux problèmes, auxquels est confronté le système éducatif letton, et quelles sont vos propositions pour l’améliorer ?

IA: Les principaux défis du système éducatif letton sont d’une part la pénurie d’enseignants et le vieillissement de la main-d’œuvre. Il existe une pénurie critique d’enseignants, en particulier dans les matières scientifiques et technologiques et les langues. Actuellement, de nombreuses écoles ont recours à l’enseignement à distance pour combler ces lacunes, mais cela ne garantit pas une expérience d’apprentissage de haute qualité.

D’autre part nos salaires ne sont pas compétitifs: La Lettonie utilise actuellement un modèle de financement dans lequel « l’argent suit l’élève ». C’est pourquoi les enseignants des écoles de grande taille perçoivent des salaires plus élevés que ceux des petites écoles. La LIZDA plaide en faveur d’une modification de ce modèle de financement afin de garantir que la rémunération des enseignants ne dépende pas de la taille des classes ou du nombre d’élèves, et de stabiliser les revenus annuels. Bien que nous ayons obtenu une augmentation salariale significative, les salaires restent peu compétitifs. Notre objectif est de faire en sorte que les salaires des enseignants atteignent 130 % de la moyenne nationale dans le secteur public.

Un autre problème important : l’augmentation de la violence à l’égard des enseignants. Une enquête menée par la LIZDA en mars 2024 a révélé que 51 % des 2 309 personnes interrogées dans le secteur de l’éducation avaient personnellement vécu ou été témoins d’incidents de violence sur leur lieu de travail. Dans près de la moitié des cas, l’agresseur était un élève (49 %), et dans 27 % des cas, il s’agissait d’un parent. La LIZDA travaille avec les ministères et d’autres institutions pour renforcer la responsabilité parentale par le biais de modifications législatives.

La charge de travail excessive est aussi un enjeu essentiel : Les enseignants sont souvent submergés par des tâches administratives qui les détournent de leur mission principale, à savoir l’enseignement et la recherche. La LIZDA s’efforce de réduire la bureaucratie en introduisant des méthodes de travail plus efficaces et de meilleurs systèmes de soutien. Une version préliminaire de la description de poste des chefs d’établissement a été élaborée afin de supprimer les tâches sans rapport avec le secteur de l’éducation, telles que la supervision des travaux de construction et la documentation relative aux marchés publics.

Enfin, la mise en œuvre de réformes sans ressources suffisantes pose problème :
Au cours des dix dernières années, le système éducatif letton a connu plusieurs réformes de grande envergure : réforme des programmes scolaires, mise en œuvre de l’éducation inclusive et optimisation du réseau scolaire. Cependant, la qualité de la mise en œuvre a été médiocre en raison du manque de ressources, de matériel, de compréhension et de soutien aux professionnels de l’éducation. Par exemple, la réforme des programmes scolaires n’a pas bénéficié d’un soutien adéquat de la part des enseignants, ce qui a entraîné leur épuisement et leur surcharge de travail, car ils ont dû élaborer eux-mêmes le matériel pédagogique. Il y a toujours une pénurie de manuels scolaires adaptés au nouveau programme scolaire. L’éducation inclusive souffre également d’un manque de personnel de soutien et de matériel pédagogique approprié. Lors du VIIIe congrès de la LIZDA, qui s’est tenu le 14 mai 2025, les résolutions clés suivantes, qui définissent l’orientation stratégique du syndicat pour 2025-2030, ont été adoptées et concernent “le soutien professionnel de qualité”, “le bien-être des employés”, “l’autonomie professionnelle”, “le développement du syndicat”.

Ces résolutions définissent les priorités de la LIZDA pour les cinq prochaines années : améliorer l’infrastructure de soutien professionnel, garantir le bien-être de ses membres, défendre et étendre leur autonomie professionnelle, et renforcer les efforts de développement et de coopération de l’organisation.

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