Et moi, et moi, et…

On confond trop souvent individualisme et individualisation. Le premier renvoie à une attitude d’enfermement dans ses seules préoccupations et conduit à l’égoïsme.

On confond trop souvent individualisme et individualisation. Le premier renvoie à une attitude d’enfermement dans ses seules préoccupations et conduit à l’égoïsme. Le second est une revendication de la prise en compte de ses aspirations personnelles et de ses spécificités au sein d’un cadre collectif. À l’occasion de son colloque sur la valorisation des compétences et des attentes des enseignants, le SE-UNSA a donné la parole à Pierre Bréchon, professeur de sciences politiques à Science Po Grenoble afin de clarifier cette différence majeure entre le « chacun pour soi » et le « à chacun son choix ».

Deux grands enseignements sont à retenir des résultats des travaux menés sur le sujet.


Tout d’abord, le fait de distinguer ces deux notions d’individualisme et d’individualisation (que d’autres chercheurs s’inspirant des sciences psychologiques nomment l’individuation), de mettre en évidence qu’elles n’ont pas corrélations entre elles (si ce n’est un léger rapport négatif en France : plus on serait en demande d’individualisation moins on serait individualiste) et surtout que l’individualisme porteur de valeurs traditionnelles a tendance à reculer ou à stagner alors que l’individualisation, ancrée dans une conception progressiste de la société, progresse.


Ensuite, s’il y a peu de différences au sein de la population française globale, trois marqueurs mettent en évidence des nuances. Le niveau d’individualisation augmente avec le niveau social et culturel, donc avec le niveau d’éducation. Plus les individus ont un important bagage scolaire et universitaire – et plus globalement, éducatif et culturel moins ils se reconnaissent dans le chacun pour soi. Inversement, les moins éduqués sont les plus individualistes. Si l’âge joue peu, un phénomène générationnel conduit au fait que les moins de 35 ans, c’est-à-dire les entrants dans la vie sociale, professionnelle, familiale, autonome sont davantage concentrés sur eux-mêmes et que l’inscription dans une vie collective se développe davantage une fois sa propre installation dans la vie « adulte ». Enfin, effet conjoncturel, seuls les plus de 70 ans représentent une époque, en voie de disparition, marquée par le repli sur soi et le conservatisme.


En déduire qu’il serait plus facile de convaincre et d’entrainer les moins instruits, les jeunes les moins « installés », voire les gens les plus âgés et conservateurs dans des options politiques, sociales, ou corporatives d’enfermement, de repli, d’individualisme, serait certainement une conclusion un peu caricaturale et sans doute trop hâtive. Pour autant, il va de soi que ces résultats éclairent et expliquent bien les comportements de chacun dans la vie sociale, politique, collective.


Ils disent surtout l’enjeu et la responsabilité de l’Éducation qui, parce qu’elle forme à l’esprit critique et au libre arbitre, permet à la fois de revendiquer la reconnaissance de ses aspirations personnelles et son inscription dans un cadre collectif plus large, une tolérance qui permet de vivre librement ses choix et de respecter ceux des autres, mieux, d’en faire le cadre d’un enrichissement qui facilite et améliore le « vivre ensemble ».

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On confond trop souvent individualisme et individualisation. Le premier renvoie à une attitude d’enfermement dans ses seules préoccupations et conduit à l’égoïsme. Le second est une revendication de la prise en compte de ses aspirations personnelles et de ses spécificités au sein d’un cadre collectif. À l’occasion de son colloque sur la valorisation des compétences et des attentes des enseignants, le SE-UNSA a donné la parole à Pierre Bréchon, professeur de sciences politiques à Science Po Grenoble afin de clarifier cette différence majeure entre le « chacun pour soi » et le « à chacun son choix ».

Deux grands enseignements sont à retenir des résultats des travaux menés sur le sujet.


Tout d’abord, le fait de distinguer ces deux notions d’individualisme et d’individualisation (que d’autres chercheurs s’inspirant des sciences psychologiques nomment l’individuation), de mettre en évidence qu’elles n’ont pas corrélations entre elles (si ce n’est un léger rapport négatif en France : plus on serait en demande d’individualisation moins on serait individualiste) et surtout que l’individualisme porteur de valeurs traditionnelles a tendance à reculer ou à stagner alors que l’individualisation, ancrée dans une conception progressiste de la société, progresse.


Ensuite, s’il y a peu de différences au sein de la population française globale, trois marqueurs mettent en évidence des nuances. Le niveau d’individualisation augmente avec le niveau social et culturel, donc avec le niveau d’éducation. Plus les individus ont un important bagage scolaire et universitaire – et plus globalement, éducatif et culturel moins ils se reconnaissent dans le chacun pour soi. Inversement, les moins éduqués sont les plus individualistes. Si l’âge joue peu, un phénomène générationnel conduit au fait que les moins de 35 ans, c’est-à-dire les entrants dans la vie sociale, professionnelle, familiale, autonome sont davantage concentrés sur eux-mêmes et que l’inscription dans une vie collective se développe davantage une fois sa propre installation dans la vie « adulte ». Enfin, effet conjoncturel, seuls les plus de 70 ans représentent une époque, en voie de disparition, marquée par le repli sur soi et le conservatisme.


En déduire qu’il serait plus facile de convaincre et d’entrainer les moins instruits, les jeunes les moins « installés », voire les gens les plus âgés et conservateurs dans des options politiques, sociales, ou corporatives d’enfermement, de repli, d’individualisme, serait certainement une conclusion un peu caricaturale et sans doute trop hâtive. Pour autant, il va de soi que ces résultats éclairent et expliquent bien les comportements de chacun dans la vie sociale, politique, collective.


Ils disent surtout l’enjeu et la responsabilité de l’Éducation qui, parce qu’elle forme à l’esprit critique et au libre arbitre, permet à la fois de revendiquer la reconnaissance de ses aspirations personnelles et son inscription dans un cadre collectif plus large, une tolérance qui permet de vivre librement ses choix et de respecter ceux des autres, mieux, d’en faire le cadre d’un enrichissement qui facilite et améliore le « vivre ensemble ».