E-carburants et mobilités : une solution pour réduire les émissions de CO2 ?

Les e-carburants, c’est quoi ?
Les électro-carburants, tels que l’e-kérosène, l’e-méthanol, l’e-ammoniac et l’e-méthane sont synthétisés à partir d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau et de CO2. Alternative aux carburants fossiles et bien qu’encore en cours de développement, ils représentent un levier essentiel pour remplacer les carburants fossiles tout en complétant les biocarburants. En effet, ces e-carburants liquides ou gazeux émergent comme des solutions potentielles pour décarboner tout en maintenant des technologies de motorisation proches de celles utilisées actuellement.
Beaucoup d’électricité et du CO2 d’origine biogénique
La production de ces e-carburants nécessite du CO2 et de grandes quantités d’électricité pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Les dernières réglementations européennes, notamment ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime, fixent des objectifs ambitieux d’incorporation progressive de carburants durables, en imposant notamment un minimum de 35% d’e-carburants pour l’aviation d’ici 2050 et une réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour le transport maritime. La réglementation européenne sur les énergies renouvelables impose également des normes strictes, excluant le CO2 d’origine fossile après 2040. En conséquence, celui-ci devra être obligatoirement biogénique, c’est-à-dire non fossile, cela nécessiterait le captage, le transport et l’utilisation de CO2 industriel.
Quelle méthodologie ?
Le rapport évalue les besoins en électricité pour produire de l’hydrogène et en CO2 biogénique pour atteindre les objectifs européens de décarbonation des secteurs aérien et maritime d’ici 2050. L’ADEME a supposé une production intégrale des e-carburants en France afin d’assurer la souveraineté énergétique, tout en prenant en compte deux paramètres essentiels : le niveau de trafic aérien et maritime et la performance des procédés de production des e-carburants. Deux scénarios résultent alors de cette étude.
Scénario #1 « Haut » : le plus énergivore
Pour celui-ci, la demande d’énergie prise en compte est 70% supérieure à aujourd’hui, en se basant sur des prévisions de filières professionnelles. Les besoins seraient très lourds, ils s’élèveraient à 175 TWhé (soit 13 réacteurs nucléaires EPR) pour l’électricité et 18,6 MtCO2 de besoins en CO2 biogénique. Cela impliquerait des infrastructures dédiées pour la collecte et le transport du CO2, créant des défis pour la neutralité carbone.
Scénario #2 « Bas » : le plus sobre
Cette fois-ci la demande d’énergie estimée est 35% inférieure à aujourd’hui, basée sur les scénarios Transition(s) 2050 de l’ADEME qui intègre des leviers de sobriété des usages pour modérer la croissance du trafic. Les ressources mobilisées sont bien plus modestes, même si toujours importantes. En effet, les besoins en électricité seraient compris de 44 à 68 TWhé et de 5,8 à 7,3 MtCO2 pour le CO2 biogénique. La bonne nouvelle est que dans ce scénario plus sobre, les objectifs européens seraient atteignables.
Prudence sur le recours aux e-carburants !
En raison des besoins significatifs en électricité et en CO2 biogénique, l’ADEME recommande un déploiement « raisonné » des électro-carburants, soulignant la nécessité de prioriser les ressources électriques et de CO2 au niveau national. La planification, la sobriété des usages, et la modération de la croissance du trafic international sont préconisées pour éviter de pénaliser d’autres secteurs nécessitant ces ressources.
L’ADEME souligne également plusieurs limites de l’étude, notamment la nécessité d’approfondir la question de la localisation des unités de production d’électro-carburants en France. Il est rappelé l’importance de réaliser une évaluation environnementale globale prenant en compte le cycle de vie lié à ces e-carburants et aux infrastructures nécessaires à leur production. Enfin, il apparaît utile d’établir une analyse économique comparative avec d’autres pays pour évaluer la compétitivité de la production française. La dernière limite posée dans le rapport concerne la possibilité d’utiliser le captage direct de CO2 dans l’air comme alternative au CO2 biogénique difficile à mobiliser. Toutefois, cette méthode innovante est encore embryonnaire et ses impacts sont difficiles à prendre en compte.
En conclusion, le rapport de l’ADEME permet de mettre en évidence les défis techniques, environnementaux et économiques associés à la production d’électro-carburants en France. L’UNSA Éducation tient à souligner la nécessité d’une approche équilibrée, pour ne pas dire sobre, dans le déploiement des e-carburants. Ainsi, dans le cadre de la transition énergétique, il apparaît essentiel de respecter les objectifs européens de décarbonation d’ici 2050, tout en prônant la modération dans l’utilisation des énergies.
Pour aller plus loin :
Rapport de l’ADEME « Electro-carburants en 2050 : quels besoins en électricité et CO2 ? »
Les 4 scénarios de transition pour la France imaginés par l’ADEME