15% des collèges concentrent 40% de la grande difficulté scolaire
Il ne faut pas éluder la question de la pédagogie qui est largement à repenser au sein des collèges. Nous aborderons d’ailleurs cette problématique dans notre prochain magazine “Questions d’éduc”. Et il ne s’agit certainement pas d’agiter ad nauseam la “pédagogie explicite” et la concentration des moyens sur les “fondamentaux”. Mais ce sujet dépasse largement les seuls collèges classés en éducation prioritaire. Ce sont pourtant bien eux qui concentrent la majorité de la grande difficulté scolaire. C’est pourquoi nous n’évoquerons ici que des problématiques qui leur sont spécifiques.
Les dédoublements des classes en question
A l’école primaire, le dédoublement des classes en REP et REP+ produit des effets positifs. Mais si on considère que les élèves qui en ont bénéficié pleinement, ont bénéficié des pleins effets, on doit se rendre à l’évidence : cela ne comblera pas durablement les inégalités grandissantes dues à l’origine sociale dans notre pays. Cela ne comblera même pas les écarts de taux de réussite aux diplômes, aux tests nationaux et internationaux.
Alors faut-il supprimer ces dédoublements ? Certainement pas ! Mais cela prouve que cette mesure est insuffisante et que nous devons faire davantage et différemment.
La carte de l’éducation prioritaire est obsolète
Elle date de 2015. C’est sur cette base que des moyens supplémentaires sont distribués. De nombreux établissements devraient être classés REP ou REP+ mais ne le sont pas et n’en bénéficient donc pas. La cartographie doit donc être revue d’urgence. Mais cela ne semble pas être une priorité du nouveau ministre. Depuis 10 ans, ce sont les conditions d’apprentissage de nos élèves et les conditions de travail de nos collègues qui se dégradent dans ces établissements laissés pour compte.
Mettre plus d’argent dans l’éducation prioritaire au collège
Ensuite, ce sont encore souvent et selon les territoires, les personnels les moins expérimentés et pas forcément volontaires qui y sont affectés. Ils sont pour la plupart plein d’énergie et d’envie de bien faire, prêts à mettre en place des pédagogies innovantes. Mais si l’expérience professionnelle a un sens, alors il faut convenir que nous délaissons structurellement les zones qui concentrent le plus de difficultés scolaires. On aboutit de fait à une aberration : alors que le nombre d’heures par élève y est supérieur, l’investissement par élève y est inférieur. On marche sur la tête. Si le rapporteur du budget de l’éducation nationale chiffre à 800 millions d’euros le surcoût de l’éducation prioritaire, ce n’est certainement à cause des collèges. Dédoubler les classes dans les collèges en éducation prioritaire est une piste à envisager.
Recruter mieux. Remplacer mieux.
Nul ne peut ignorer que dans certains départements, parmi les plus pauvres de France, le niveau de recrutement, la “sélectivité du concours”, pour les enseignants du premier degré, sont plus bas qu’ailleurs. Dans le second degré, les postes en éducation prioritaire sont souvent les plus accessibles, quand ils ne sont pas des affectations imposées par le jeu des barèmes. Il serait pourtant particulièrement malhonnête de stigmatiser ces personnels, car ce sont eux qui relèvent, avec courage et détermination, le défi quotidien d’enseigner à un public difficile et pourtant viscéralement prioritaire, pour peu qu’on ait l’âme républicaine. C’est dans ces mêmes zones que le recrutement de contractuels et le remplacement des heures de cours perdues sont les plus problématiques. S’il est des endroits où le manque d’attractivité de nos métiers est criant et où ses conséquences se font sentir, c’est bien là. Cette jeunesse qui a besoin de plus, reçoit moins, une fois encore.
Garantir la mixité sociale
Le constat est limpide. La mixité n’existe plus dans les établissements classés REP et REP+. La concentration en un même lieu des difficultés sociales et scolaires limite la possibilité de les dépasser. Certaines initiatives locales à Toulouse, à Nantes, à Paris et ailleurs, ont permis d’améliorer grandement la mixité et, de ce fait, le climat scolaire, sans pour autant détériorer les résultats des meilleurs élèves. Mieux, le taux de réussite au brevet s’améliorent au sein du public qui n’est plus ségrégué. Il est temps de généraliser ces initiatives à la France entière, pourquoi pas à travers un plan interministériel mêlant éducation, politiques de la ville et des territoires. Un plan pluriannuel,( on peut rêver dans ce contexte d’instabilité politique), serait une nécessité.
Dans le même temps, et pour inciter à davantage de mixité, il faut moduler par les IPS (indices de positionnement social) et le niveau d’hétérogénéité, plus fortement qu’aujourd’hui, les abondements en moyens des établissements scolaires du primaire et du secondaire. Les établissements privés sous contrat jouent un rôle négatif important sur ce sujet. La modulation évoquée devra donc leur être appliquée sans faiblir. Une première étape serait la reprise en main de la répartition des moyens au niveau rectoral de ces établissements, sans passer par les diocèses. La rupture des contrats d’associations en cas d’IPS trop élevé (par rapport au secteur géographique concerné) et d’une homogénéité trop grande est une deuxième possibilité.
Le ministre parle, lors de cette audition, d’une action ciblée sur les collèges qui concentrent les plus grandes difficultés. Qu’a-t-il en tête ? La baisse démographique n’est certainement pas une bonne nouvelle pour notre pays. Mais nous pouvons néanmoins en faire une opportunité historique, en dégageant les marges budgétaires nécessaires pour changer la donne, laisser à d’autres le bonnet d’âne que porte la France au sein de l’OCDE, concernant la reproduction des inégalités et le poids de l’origine sociale dans le destin de chacun.
Pour aller plus loin sur le même sujet
Collège, le statu quo est impossible. Interview de François Dubet
« L’éducation prioritaire », Synthèse de la DEPP, n° 6, DEPP, Septembre 2025

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